Cette semaine j’étais là, à attendre, devant le Tribunal de Grande Instance d’Aix, avec des soutiens de migrants, qu’on accorde, ou pas, l’asile à un Soudanais anxieux (lire ici). Parmi ses appuis, deux garçons parlaient avec un accent italien. « Ah ! vous êtes Milanais ! », « tiens, vous venez du Piémont »… « M’agradariá de saupre se, quand parli coma aquò, podetz m’entendre ? » Haussement de sourcil, sourire : « ma, si, naturalmente ! ».
Réduire le droit à enseigner et diffuser notre langue d'oc, c'est affaiblir notre capacité à échanger avec autrui
Quand je vais à Barcelone, si mon catalan vacille, je comble les lacunes avec un mot en occitan. Les trois quarts du temps ça marche ! L’autre jour, dans un resto végétarien plein de peps que je conseille, L’Hortet, au garçon je demande un verre de rouge : « voldria un…heu ! …got de vi negre, si us plau ». Il me regarde un peu étonné, et me dit, dans la langue de Ramon Llul : « c’est bizarre, vous êtes étranger mais vous parlez comme mon grand-père ». J’aurais du dire « una copa » ; toutefois mon occitan a été reçu comme, certes, désuet, mais charmant et, malgré tout, catalan.
Et j’apprends, avec la chronique de l’excellent Médéric Gasquet-Cyrus, que je ne suis pas le seul à faire l’expérience.
Il y a trois ans, à La Seyne, un échange culturel avait amené une troupe de théâtre de rue de Sao Paulo, à répéter dans une salle de spectacle locale. Ne parlant pas portugais, j’ai mené l’entretien en occitan, avec la responsable de la troupe. Comme moi, elle a parlé lentement avec un vocabulaire simple…et je n’ai jamais reçu de droit de réponse suite à l’article. C’est qu’on a du se comprendre.
Voilà, ces expériences là nous sommes nombreux à les avoir faites. Vous le confirmerez si vous avez des commentaires à faire à la suite de ce billet.
Elles nous rappellent, face à ceux qui veulent juste folkloriser notre langue d’oc, ne souhaitent garder, à la surface de notre culture, que quelques mots qui chantent, la pointe d’ail qui dit d’où nous sommes, bref, à ceux qui n’ont du provençal ou du niçois qu’une vision patrimoniale réductrice, elle nous rappellent, donc, que l’occitan a valeur de langue véhiculaire.
On ne commentera pas Kant avec un Turinois, c’est entendu. On ne lancera pas non plus de fine plaisanterie au quinzième degré avec un habitant de Lleida, c’est certain. Mais on pourra se comprendre, échanger, faire connaissance, se rendre utile. Et à l’écrit ce sera encore plus évident.
La langue d’oc a des vertus. Elle nous dit mieux qui nous sommes, dans le grand concert des nations où sept milliards d’individus jouent leur partition. Elle nous permet aussi, dans le vaste croissant des langues romanes, de la Roumanie au Portugal et même au Brésil, de parler à l’autre.
Une belle part de nos lecteurs vit justement au Brésil. Nous ne savons rien d’autre d’eux. Peut-être vont ils lire un peu de cette langue écrite, apparemment cousine, qui les interpelle. Plus nombreux sont nos lecteurs, voisins : Italiens et Catalans. Et là, on en est sûr, ils nous lisent parce que ce n’est pas difficile…et peut-être – lançons nous quelques fleurs – parce que c’est intéressant.
En faisant barrage aux cours de langue régionale dans nos collèges, messieurs et dames les contempteurs de l’intérêt du provençal, en vous battant bec et ongles contre toute initiative législative en faveur de nos langues de France, messieurs et dames les haïsseurs de diversité, vous affaiblissez nos dispositions évidentes à échanger avec autrui. En instillant encore la honte de parler croquant, vous découragez nos capacités à nous intégrer mieux demain à un monde plus global, qui n’a pas à ne parler qu’anglais entre Montevideo et Vladivostok !
Et j’apprends, avec la chronique de l’excellent Médéric Gasquet-Cyrus, que je ne suis pas le seul à faire l’expérience.
Il y a trois ans, à La Seyne, un échange culturel avait amené une troupe de théâtre de rue de Sao Paulo, à répéter dans une salle de spectacle locale. Ne parlant pas portugais, j’ai mené l’entretien en occitan, avec la responsable de la troupe. Comme moi, elle a parlé lentement avec un vocabulaire simple…et je n’ai jamais reçu de droit de réponse suite à l’article. C’est qu’on a du se comprendre.
Voilà, ces expériences là nous sommes nombreux à les avoir faites. Vous le confirmerez si vous avez des commentaires à faire à la suite de ce billet.
Elles nous rappellent, face à ceux qui veulent juste folkloriser notre langue d’oc, ne souhaitent garder, à la surface de notre culture, que quelques mots qui chantent, la pointe d’ail qui dit d’où nous sommes, bref, à ceux qui n’ont du provençal ou du niçois qu’une vision patrimoniale réductrice, elle nous rappellent, donc, que l’occitan a valeur de langue véhiculaire.
On ne commentera pas Kant avec un Turinois, c’est entendu. On ne lancera pas non plus de fine plaisanterie au quinzième degré avec un habitant de Lleida, c’est certain. Mais on pourra se comprendre, échanger, faire connaissance, se rendre utile. Et à l’écrit ce sera encore plus évident.
La langue d’oc a des vertus. Elle nous dit mieux qui nous sommes, dans le grand concert des nations où sept milliards d’individus jouent leur partition. Elle nous permet aussi, dans le vaste croissant des langues romanes, de la Roumanie au Portugal et même au Brésil, de parler à l’autre.
Une belle part de nos lecteurs vit justement au Brésil. Nous ne savons rien d’autre d’eux. Peut-être vont ils lire un peu de cette langue écrite, apparemment cousine, qui les interpelle. Plus nombreux sont nos lecteurs, voisins : Italiens et Catalans. Et là, on en est sûr, ils nous lisent parce que ce n’est pas difficile…et peut-être – lançons nous quelques fleurs – parce que c’est intéressant.
En faisant barrage aux cours de langue régionale dans nos collèges, messieurs et dames les contempteurs de l’intérêt du provençal, en vous battant bec et ongles contre toute initiative législative en faveur de nos langues de France, messieurs et dames les haïsseurs de diversité, vous affaiblissez nos dispositions évidentes à échanger avec autrui. En instillant encore la honte de parler croquant, vous découragez nos capacités à nous intégrer mieux demain à un monde plus global, qui n’a pas à ne parler qu’anglais entre Montevideo et Vladivostok !