Le Tribunal Administratif de Fort-de-France, Martinique, près d’un an et demi après, a annulé le 3 octobre dernier une délibération de 2023 faisant du créole la langue officielle du département, au côté du français.
Ainsi, une fois de plus l’article 2 de la Constitution sert à étrangler les volontés d’un pays aux réalités linguistiques et historiques particulières en matière de droit à sa langue.
Il est clair que l'article 2 doit être ré écrit
Le préfet de la Martinique, sitôt l’Assemblée ayant délibéré, avait demandé au Tribunal Administratif d’annuler cette décision. Elle aurait mis la Martinique dans la situation particulière de la Corse et de Mayotte, ayant, pour les mêmes raisons, un statut linguistique à part dans la République. Evidemment, les cas exceptionnels l’étant de moins en moins, les représentants de l’État voient bien que, peu à peu, le fameux article 2 ne serait plus admis que pour ce qu’il dit : « la langue de la République est le français », sans la lecture restrictive que les tribunaux en font systématiquement et à tout propos.
Ainsi du TA de Fort de France qui, dans ses attendus, précise : « le tribunal administratif a rappelé que l’article 2 de la Constitution institue la langue française comme seule et unique langue officielle de la République et que la Loi Toubon du 4 aout 1994 impose le français comme la seule langue pouvant être légalement utilisée dans les relations entre les administrations et les usagers des services publics »
Or, la fameuse Loi Toubon – destinée à lutter contre l’envahissement de l’anglais – ne dit rien d’autre de la langue française qu’elle « est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics ». Là encore, seule l’interprétation obtuse des différentes cours lui donne le caractère exclusif que le Tribunal Administratif de Fort-de-France lui attribue.
On voit ici à nouveau, comme lors de l’adoption en 2021 de la loi Molac, et de toutes celles qui l’ont précédé, que le Droit est avant tout le prétexte pratique pour empêcher la volonté des assemblées élues au plus proche du citoyen de lui reconnaître ce droit à utiliser au quotidien et dans tous les actes qui le concernent la langue de son pays. Il est reconnu au terme « pays », certes la signification d’un territoire doté d’un gouvernement unique, mais aussi celle d’un territoire à l’identité commune. La Martinique serait elle autre chose ?
Il faut certes reconnaître à Serge Letchimy, le président du Conseil exécutif de Martinique, le courage qu’il faut, dans la République française, pour oser rappeler dans les actes que l’uniformité n’a pas à être la règle en France. Mais il convient aussi de lancer, de manière pugnace, un débat dans la République afin de réformer cet article 2 qui, décidément, ne sera jamais entendu que comme restriction et interdiction. Une nouvelle rédaction levant toute ambiguïté s’impose, qui enfin reconnaisse aux citoyens le droit de dialoguer avec les différentes administrations dans la langue historique de leur pays.