En ce moment entre autres choses j’interviewe des enfants. On parle du temps, des souvenirs et des souhaits. Aujourd’hui j’étais à l’école primaire Mandela de Béziers. En face de moi il y avait Birgul et Oumaima, qui sont en CE1, et elles apprennent le français et l’occitan en même temps.
Rodin Kaufmann (photo MN)
L'intégration ici se fait par l'occitan
Après m’avoir raconté leurs rêves et leurs souvenirs en occitan, en faisant de gros efforts, je leur ai demandé:
- Birgul, coma se ditz mercés en turc? - en turc?! - ben òc! - teşekkür
- e Oumaima sabes dire mercés en arabi? - non, mai sabi dire bonjorn: salam! - ah bon, ben se ditz shokran alòrs teşekkür, e shokran.
Et on était content d’avoir tous fait un pas vers l’autre.
Dans cette école, « l’intégration » se fait par l’occitan. J’ai demandé les « autres » langues parlées par les enfants: arabe, arménien, gitan espagnol, gitan catalan, turc... et ils sont tous super contents d’apprendre et de parler occitan en plus du français.
Alors j’ai repensé au « repli identitaire » dont on nous rabâche les oreilles dès qu’on essaye un peu d’exister. Et je sais que je vais bientôt écrire un post là dessus, et sur la poussière, cette fameuse poussière qui nous recouvre, nous et nos cultures, et dont Paris imagine qu’on se débarrasse pour lui être plus agréable.
La vraie poussière c’est de penser que la culture et la langue de l’autre, qu’il soit proche ou lointain, sont inférieures aux miennes, et qu’il devrait logiquement faire un effort (de dépoussiérage, d’intégration ou de modernité) pour accéder à ma reconnaissance. En France ce système de pensée s’appelle le jacobinisme, il est présent dans toutes les strates de la société, invisible et peu nommé. C’est le cancer de ce pays.
Persister dans cette voie est un échec.
Parler occitan avec des petites gitanes, des marocains ou des turcs, ça c’est ce que moi j’appelle l’avenir.