Le 22 mai au plus tard les membres du Conseil Constitutionnel auront rendu un avis sur la constitutionnalité du texte de loi, voté à une très large majorité le 8 avril au Parlement, concernant les Langues Régionales.
Que peut-on attendre des soi-disant “sages”. Sans doute rien de bon. Mais…
“Le Conseil constitutionnel dit la conformité à la Constitution des seuls articles visés dans la saisine. En aucun cas il ne s’autosaisit”.
La saisine de soixante députés, sur recours préparé par le cabinet du ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer – une extravagance dans l’histoire de ces saisines, réclamées par le chef du gouvernement d’habitude, - concerne un seul article.
Celui-ci fait obligation au maire d’une commune de régler le forfait scolaire (de défrayer les parents) à la famille qui envoie son enfant dans l’école associative d’une autre commune pour bénéficier d’un enseignement bilingue, quand sa commune de résidence n’en propose pas.
Cet article, introduit par les sénateurs lors de la discussion du projet, au préalable vidé de sa substance en première lecture à l’Assemblée Nationale, fait débat. Y compris parmi les défenseurs de l’enseignement de l’occitan, où certains estiment que le système d’enseignement privé, fût il immersif et associatif, ne doit pas recevoir d’argent public.
Mais au fait que peut et que ne peut pas le Conseil Constitutionnel en la matière ?
Peut-il, comme les commentateurs l’affirment, s’autoriser à examiner, au delà de l’article incriminé, l’ensemble de la loi, et de la déclarer inconstitutionnelle ? L’effet serait en effet dramatique : réduire à néant le patient travail de Paul Molac et du mouvement Pour Que Vivent Nos Langues qui a porté le fer depuis un an et demie, annihiler la possibilité d’un enseignement immersif dans les établissements publics d’enseignement, renvoyer les langues autochtones de Mayotte dans le non-droit, ôter aux accords Régions-Rectorats la possibilité d’organiser l’enseignement bilingue pour tous…
Nous sommes donc allés à la source en interrogeant directement le service presse-communication du Conseil Constitutionnel. Si l’on s’en tient à sa réponse, ces craintes apparaissent sans fondements.
En effet, le Conseil Constitutionnel nous répond : “Le Conseil constitutionnel dit la conformité à la Constitution des seuls articles visés dans la saisine. En aucun cas il ne s’autosaisit”.
Voilà qui aurait le mérite de la clarté.
Mais cette réponse suffit-elle vraiment ?
A en croire la lettre hebdomadaire de notre confrère de l'Express Michel Feltin-Palas, Sur le bout des langues, non.
Il interroge l’ex secrétaire général du Conseil Constitutionnel, Jean-Eric Shoettl (1997-2007). Et celui-ci de lui préciser ce que l’expérience nous a appris : "Dès lors que "la langue de la République est le français", seul le français peut être la langue de l'enseignement public". L’enseignement immersif dans l’enseignement public serait donc examinable dans son fondement par les soi-disant “sages”.
L’homme, qui estime que les langues régionales meurent d’elles-mêmes et que la loi Molac relève de l’acharnement thérapeutique, n’est pas favorable à leur enseignement, bien moins que les 279 députés français qui, croyait-on, en avaient décidé autrement le 8 avril.
Or, écrit Michel Feltin-Palas, dans le compte rendu de cette conversation, “Bien qu'il ait été saisi uniquement à propos du forfait scolaire, le Conseil constitutionnel a le loisir (mais pas l'obligation) de se pencher sur l'ensemble du texte.”
Nous voici donc en contradiction frontale avec la réponse que nous fait le service de presse-communication du dit Conseil Constitutionnel.
Il nous faudra donc un peu patienter pour savoir définitivement si oui ou non cet organisme limitera ou pas son examen à l’article 2 quinquies de la loi Molac, celui de la saisine, ou s’il retoquera l’ensemble du texte, ou encore un autre de ses articles… Une virgule déplacée et tout le processus parlementaire, long et difficile, serait à recommencer.
Un travail long et difficile, sanctionné par le vote positif de la Représentation Nationale, mais que le ministère de M Blanquer aurait eu tout loisir, seul, d’annuler.
Une belle leçon de démocratie à la française, non ?