Christian Philibert: "le public dit son envie de voir des choses différentes" (photo MN)
Sans aval d’un scénario par les chaînes publiques point de financement ! C’est ce que nous disent régulièrement les téméraires qui se lancent dans un projet de fiction en occitan. Est-ce si raide que ça ?
La règle existe pour tout type de film, mais était contournable. Arte n’avait pas voulu de « Travail d’Arabe », mais avait finalement décidé de l’acheter, une fois vu au Festival de San Sebastian. Idem pour les « Quatre saisons d’Espigoule », auquel Canal+ n’avait apporté son concours qu’ après avoir vu la bande annonce. Mais la situation s’est durcie. Les chaînes désormais veulent acheter le film une fois achevé, et tous les risques sont pour ceux qui se sont investis. Quand on commence un film on n’est plus jamais certain de pouvoir le terminer.
Les aides du Centre National de la Cinématographie ?
Parfois on l’obtient. Mais j’ai un problème avec ça ; si le film n’est pas dialogué d’une manière formatée, l’aide, vous ne l’avez pas ! L’industrie cinématographique veut avoir le contrôle total de ce que fait le cinéaste. Cela part du sentiment qu’il faut être sûr que le film rencontrera un public ; mais on voit bien qu’en réalité plus personne ne contrôle rien. Les grosses machines se cassent de plus en plus la figure, parce que le public dit son besoin de voir des choses différentes. C’est ainsi que j’analyse la situation. Internet, la possibilité de voir tant de choses, a montré au public que d’autres voies sont possibles.
La règle existe pour tout type de film, mais était contournable. Arte n’avait pas voulu de « Travail d’Arabe », mais avait finalement décidé de l’acheter, une fois vu au Festival de San Sebastian. Idem pour les « Quatre saisons d’Espigoule », auquel Canal+ n’avait apporté son concours qu’ après avoir vu la bande annonce. Mais la situation s’est durcie. Les chaînes désormais veulent acheter le film une fois achevé, et tous les risques sont pour ceux qui se sont investis. Quand on commence un film on n’est plus jamais certain de pouvoir le terminer.
Les aides du Centre National de la Cinématographie ?
Parfois on l’obtient. Mais j’ai un problème avec ça ; si le film n’est pas dialogué d’une manière formatée, l’aide, vous ne l’avez pas ! L’industrie cinématographique veut avoir le contrôle total de ce que fait le cinéaste. Cela part du sentiment qu’il faut être sûr que le film rencontrera un public ; mais on voit bien qu’en réalité plus personne ne contrôle rien. Les grosses machines se cassent de plus en plus la figure, parce que le public dit son besoin de voir des choses différentes. C’est ainsi que j’analyse la situation. Internet, la possibilité de voir tant de choses, a montré au public que d’autres voies sont possibles.
Espigoule se tire ailleurs (photo XDR)
Une voie est-elle également possible pour le cinéma en occitan ?
Il est déjà très difficile de trouver des financements pour un cinéma méridional un peu marqué. Mais je pense qu’avec un budget peu élevé, ça doit rester possible de mener un projet cinématographique en occitan. Philippe Carrese l’a montré avec Malaterra*. Tourner en provençal se prêterait bien au film historique selon moi. Il me semble incongru, dans une fiction, de faire parler français à un paysan provençal du XVIIIè ou même du XIXè siècle. Voyez le cinéma de Mel Gibson, qui, pour parler du Christ, cherche comment on parlait à son époque. Ce cinéma-là est une aventure qui mérite de trouver un public, et en fait il le trouve.
Pour revenir au provençal, que je ne parle pas hélas, car il s’est perdu entre la génération de mes grands-parents et la mienne, j’aurais du mal à tourner dans une langue que je ne maîtrise pas. J’y viendrais bien, mais, investi dans mon métier, je manque terriblement du temps nécessaire pour m’y mettre, comme d’ailleurs pour faire de la musique, une passion pourtant !
Il est déjà très difficile de trouver des financements pour un cinéma méridional un peu marqué. Mais je pense qu’avec un budget peu élevé, ça doit rester possible de mener un projet cinématographique en occitan. Philippe Carrese l’a montré avec Malaterra*. Tourner en provençal se prêterait bien au film historique selon moi. Il me semble incongru, dans une fiction, de faire parler français à un paysan provençal du XVIIIè ou même du XIXè siècle. Voyez le cinéma de Mel Gibson, qui, pour parler du Christ, cherche comment on parlait à son époque. Ce cinéma-là est une aventure qui mérite de trouver un public, et en fait il le trouve.
Pour revenir au provençal, que je ne parle pas hélas, car il s’est perdu entre la génération de mes grands-parents et la mienne, j’aurais du mal à tourner dans une langue que je ne maîtrise pas. J’y viendrais bien, mais, investi dans mon métier, je manque terriblement du temps nécessaire pour m’y mettre, comme d’ailleurs pour faire de la musique, une passion pourtant !
Un village fictif désormais mondialement connu, sauf des chaînes publiques (photo XDR)
Votre prochain film emprunte à Espigoule mais se passe en Afrique. Que pouvez-vous en dire ?
J’entraîne Jean-Marc au Sénégal. Le patron du bar d’Espigoule va à la rencontre des Africains. Espigoule se tire ailleurs ! Et c’est un choc culturel cette rencontre entre Afrique et Provence. L’idée est venue de Jacques Dussart, mon scénariste, qui connaît bien le Sénégal. En bref on a créé des ponts entre Espigoule et son équivalent au Sénégal. Créer des ponts c’est important. Le film sera présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes bientôt, mais nous le lancerons en fait à partir de l’été prochain dans les villages, où le film sera projeté au cours de soirées festives, avec musique et tout…En tout cas, pour la première fois je suis fier de ce que j’ai fait. D’habitude, quand je vois mes films une fois terminés, j’en sors totalement anéanti !
Espigoule (Ginasservis, en réalité) est devenu une légende, mais qu’en a dit le public d’ici, confronté à l’image que vous lui renvoyiez de lui-même ?
Les Provençaux se sont reconnus dans Espigoule, mais une minorité s’est offusquée qu’on puisse se moquer de nous-mêmes. J’ai le souvenir d’un vieux Félibre, charmant mais désespéré qu’on se montre ainsi. « Que va-t-on penser de nous à Paris ? » m’a-t-il interpellé. J’ai répondu que l’autodérision est une part de notre identité.
Et vos prochains projets…s’ils peuvent trouver un financement ?
J’hésite à livrer mes idées dans un monde du cinéma toujours prompt à les piquer aux autres. Mais si j’avais les moyens je tournerais une fresque sur la peste de Marseille. Evidemment ce serait pharaonique ! L’idée de résistance m’intéresse. Les exemples ne manquent pas chez nous. Et j’ai quelques personnages historiques à faire vivre en Provence sur ce thème. Je suis un passionné d’histoire, et préparer un documentaire comme « Le Complexe du santon » a été un plaisir parce que j’ai pu parler des heures et des heures avec des historiens comme René Merle et quelques autres.
*Mais c’était en 2002-2003, avec une aide de la Régie Régionale du Cinéma (Ndlr).
J’entraîne Jean-Marc au Sénégal. Le patron du bar d’Espigoule va à la rencontre des Africains. Espigoule se tire ailleurs ! Et c’est un choc culturel cette rencontre entre Afrique et Provence. L’idée est venue de Jacques Dussart, mon scénariste, qui connaît bien le Sénégal. En bref on a créé des ponts entre Espigoule et son équivalent au Sénégal. Créer des ponts c’est important. Le film sera présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes bientôt, mais nous le lancerons en fait à partir de l’été prochain dans les villages, où le film sera projeté au cours de soirées festives, avec musique et tout…En tout cas, pour la première fois je suis fier de ce que j’ai fait. D’habitude, quand je vois mes films une fois terminés, j’en sors totalement anéanti !
Espigoule (Ginasservis, en réalité) est devenu une légende, mais qu’en a dit le public d’ici, confronté à l’image que vous lui renvoyiez de lui-même ?
Les Provençaux se sont reconnus dans Espigoule, mais une minorité s’est offusquée qu’on puisse se moquer de nous-mêmes. J’ai le souvenir d’un vieux Félibre, charmant mais désespéré qu’on se montre ainsi. « Que va-t-on penser de nous à Paris ? » m’a-t-il interpellé. J’ai répondu que l’autodérision est une part de notre identité.
Et vos prochains projets…s’ils peuvent trouver un financement ?
J’hésite à livrer mes idées dans un monde du cinéma toujours prompt à les piquer aux autres. Mais si j’avais les moyens je tournerais une fresque sur la peste de Marseille. Evidemment ce serait pharaonique ! L’idée de résistance m’intéresse. Les exemples ne manquent pas chez nous. Et j’ai quelques personnages historiques à faire vivre en Provence sur ce thème. Je suis un passionné d’histoire, et préparer un documentaire comme « Le Complexe du santon » a été un plaisir parce que j’ai pu parler des heures et des heures avec des historiens comme René Merle et quelques autres.
*Mais c’était en 2002-2003, avec une aide de la Régie Régionale du Cinéma (Ndlr).
Cet entretien avec Christian Philibert sera également publié, augmenté d'autres questions et réponses sur le thème du documentaire historique régional dans le prochain numéro du mensuel Aquò d'Aquí, en mars-avril 2013.