Ce qu’il y a de tragiquement inévitable dans la galerie touchante de portraits des anciens de Bauduen que peint Eric Schulthess, c’est que fatalement ils finissent par mourir. Et parfois à l’issue d’une vie qui ne fut pas qu’heureuse. Mais le gros village, lui, vit toujours. Certes il est coincé entre son rocher et ce lac d’EDF qui a failli le noyer comme il en a noyé d’autres, mais sa rue du Barri et son chemin du Défends nous parlent d’un bourg qui peut être multiplié par cent en Provence.
A lire ce portrait sensible du village de ses vacances d’enfance, à travers ces vieux que l’écrivain a côtoyé, nous retrouverons d’autres personnages touchants que nous avons connu, à dix ou à cent kilomètres de là, peu importe, car leur culture, leur morale, leur vécu fut celui de ces Provençaux qui, attachés à leur village, ne firent pas fortune, mais eurent la bonne fortune de faire partie d’une petite communauté où l’on comprenait l’autre.
Préfacé par Médéric Gasquet Cyrus, Gens de Bauduen, Eric Schulthess l’a voulu en provençal autant qu’en français. La langue que parlaient ces habitants qu’il a connu enfant et adolescent, s’est pourtant un peu noyée avec le reste, sous les flots du Verdon domptés par l’électricien tout puissant. Mais lui a estimé que l’authentique l’exigeait. On ne l’en blâmera certes pas. Il a confié la traduction à Céline Magrini, que l’on connaît pour ses talents de conteuse, chanteuse, et spécialistes des lettres provençales.
Gens de Bauduen – avant la naissance en 1973 du lac de Sainte-Croix en Haute-Provence, éd. L’Harmattan - bilingue, 165 p. ill. 19€