
La même année Jean-Pierre Denis tourne de son côté Histoire d'Adrien, en Périgord, oeuvre sobre qui aura un succès d'estime (Caméra d'Or au Festival de Cannes). Il faudra ensuite attendre Malaterra, en 2003, pour que Philippe Carrese puisse ajouter un troisième film à cette trop courte liste d'oeuvres en occitan.
Le CEP d’Oc a consacré une de ses soirées au cinéaste Jean Fléchet, mercredi 26 juin 2013, à l’Ostau de Provença. On y a projeté certains de ses courts métrages, en présence du cinéaste, aujourd’hui octogénaire, venu du Vaucluse où il réside.
Il réalisait, produisait et diffusait

Ainsi de La Sartan, tourné en 1963 à Caderousse. "Je suis allé voir Paul Marquion (homme de théâtre - 1902-82) et lui ai demandé de me raconter une histoire" explique Jean Fléchet. C'est ainsi qu'est née cette farce quasi burlesque sur le double sens de "sartan" (poêle et mégère tout à la fois).
deux décennies après ce court métrage pas vraiment féministe, avec Lenga de Peilha, le burlesque est toujours rois au pays imaginaire de Claude Alranq, qui donne voix de vòlha à une série de France 3, sous le mode rabelaisien. la vivacité un peu ennivrante de ce film en couleur avec farandoles et carnavals avec charge anticléricale souligne bien l'immédiat après mai 68. Jean Fléchet, toujours un peu réservé dans la vie, y donne libre cours à son esprit fantasque et quasi surréaliste.
"Nous l'avions tourné à Pézenas, France 3 m'avait demandé de le faire, après l'Orsalhièr. La chaîne m'a laissé travailler, j'ai eu de la chance", affirme t-il. Agir librement est un leit motiv dans le discours de Jean Fléchet, qui sera devenu producteur pour y parvenir.
Pourquoi a-t-on si peu parlé de ce cinéaste ? Rouler pour la langue d’oc ne favorise pas la renommée, c’est certain. De plus, comme il fallait tout inventer pour ce cinéma, Jean Fléchet s’était aussi investi dans la production, créant Les Films Verts, ou encore Tecimeoc qui permettait de diffuser ces films.
C’est donc surtout dans le reportage et le documentaire que Jean Fléchet s’exprimera. On lui doit une trentaine d’œuvres de ce type : un portrait de Jòrgi Reboul, un autre de Joan Bodon, un troisième sur les niçois Alan Pelhon et Mauris, un entretien avec Robert Lafont, et des captations de pièces de théâtre, comme « Viure al país es super cool », ou « Saison de femmes », parmi d’autres.
« A une époque où la télévision n’était pas entrée dans tous les foyers, il permettait ainsi de faire connaître le travail de troupes comme Lou Bastardèu en Vaucluse » souligne Jan-Pèire Belmon, « sans lui nous n’aurions pas le témoignage de cette époque et de ces actions ».
Un regard humaniste

Si bien des faiseurs de film ont un bel ego à promener devant eux, Jean Fléchet lui s’effaçait derrière ses sujets. Sans lui, les « classiques » occitans n’auraient ni corps ni voix, dont l’écho nous est transmis grâce à ses films.
Hélas, la course perpétuelle à l'argent de la production aura eu raison de son projet au long cours : "La caméra en bois". S'il a écrit une dizaine de scénarios de cette suite à l'Orsalhièr, brossant l'univers des arts et de la communication jusqu'à l'internet, les moyens de tourner le second opus lui auront toujours manqué.
Il s'estime pourtant heueux. Aujourd'hui plus aucune chaîne de TV n'accepterait d'aider ou de diffuser un film dans lequel on parle plus de quelques secondes autre chose que du français.
Ce beau cinéaste a donné son fonds au Cep d’Oc, ce qui permettra aux chercheurs et au public de comprendre, profiter et diffuser ce cinéma qui fait partie de notre patrimoine et qui « apporte un regard humaniste sur les choses, les gens, le pays, et le cinéma » dixit JP Belmon.