“Nous pensons que les langues ne s’opposent pas, qu’il n’y a pas de hiérarchies entre elles et parce que nous sommes favorables à une société bilingue, dans laquelle nous pourrions parler notre langue avec plus de liberté que ce n’est le cas aujourd’hui”.
Ange est Corse, et cet étudiant s’est rendu au Rectorat d’Aix-Marseille avec une demi-douzaine d’ami.es, à l’appel de Pour Que Vivent Nos Langues. Ses écriteaux en langue corse ont cotoyé ceux que le Félibrige avait préparé en provençal pour la trentaine de manifestants qui réclament du gouvernement une négociation sur l’enseignement des langues minoritaires de France.
De la reconnaissance étatique à l'utilité sociale...et professionnelle
Ange, encore, souhaite que l’école contribue à la reconnaissance de la langue régionale, et renforce son utilité sociale. “Quand parler corse ou occitan nous permettra de trouver un travail, ce sera le signe que nous vivons dans une société beaucoup plus tolérante qu’elle ne l’est.”
“Siam en Provença e per que de monde contunhe de la parlar, nos fau que siegue ensenhat lo provençau a totei lei nivèus”. Patricia est psychologue en milieu scolaire, et ce qu’elle dit en provençal sera compris par tous. “Parlons d’autres langues, supposées utiles, mais n’abandonnons pas celle qui nous dit qui nous sommes et qui dit notre pays comme aucune autre”.
Artur, lui aussi étudiant, a dix-neuf ans, et sans avoir l’occasion de parler habituellement...il parle bien provençal ! “Internet, Lo Congrès de la Lenga Occitana, m’i siáu assajat” et avec bonheur, mais il aimerait parler comme on parle communément, le bain linguistique de chez lui lui est nécessaire, et il compte sur l’école pour faire ce parcours plus facile aux autres.
Une trentaine de rassemblements pour montrer que la mobilisation est de partout
Dans une trentaine de villes occitanes, entre Bordeaux et Nice, comme dans une cinquantaine de villes berceau d’autres langues minoritaires, Pour Que Vivent Nos Langues, le collectif créé à l’automne 2019 pour infléchir la volonté linguicide du gouvernement, a réussi son pari : faire montre de mobilisation territoriale large malgré l’épidémie qui inquiète de nombreux manifestants potentiels.
A Montpellier, une réunion publique rassemble autour de la réhabilitation des cours d’occitan partout. A Nice, l’Association des Professeurs de Langue Régionale fait salle comble pour son Assemblée Générale judicieusement programmée pour le même jour. A Aurillac on défile avec une banderole qui dit clairement la volonté de vivre, dans le Vaucluse, les manifestants se déplacent d’Avignon à Orange, partout le fait d’être présent et visible, ils le savent, aidera les négociateurs, bientôt, à obtenir du ministère de l’Enseignement un retour à la raison.
Gagner en coefficient au nom de l'égalité de traitement
La réforme des lycées de Jean-Michel Blanquer, a réduit le coefficient attaché aux langues minoritaires, rendant cet enseignement peu attractif pour qui veut le bac. D’autant qu’en les choisissant, l’élève se prive du droit de choisir une autre option.
Aligner ces enseignements sur les coefficient des langues anciennes fait donc partie des revendications de PQVNL. Mais plus encore, c’est une loi accordant des droits pour chacun, partout en France, à se voir proposer un enseignement en langue régionale qui reste l’objectif des protestataires, que ce soit en Corse, Bretagne, Alsace, Catalogne, ou pays occitans.
Offrir aux élèves une connaissance de leurs cultures
Ceci dit, si ces langues, en général ne se transmettent plus guère en famille, pourquoi l’Education Nationale s’en préoccuperait-elle ? “Elle est là pour offrir aux élèves une connaissance de leurs cultures”, soutient Gabriel Feutrier, du Félibrige, qui a largement contribué à l’organisation des rassemblements en Provence. “Quant à donner des points au bac via les langues régionales, c’est tout simplement le moyen concret de les soutenir. Enfin, pour nombre de lycéens, choisir le cours de langue du pays c’est un moyen de faire corps avec le territoire où ils vivront”.