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Le créole de la Martinique bâillonné

Contrairement à la Corse, la cour administrative n'a pas reconnu à La Martinique que sa langue, le créole, soit co-officielle du français. Il y a dans ces arrêts une interprétation qui va toujours à l'interdiction. Il est donc temps de changer l'article constitutionnel qui sert de prétexte à ce bâillonnement.

Le Tribunal Administratif de Fort-de-France, Martinique, près d’un an et demi après, a annulé le 3 octobre dernier une délibération de 2023 faisant du créole la langue officielle du département, au côté du français.

 

Ainsi, une fois de plus l’article 2 de la Constitution sert à étrangler les volontés d’un pays aux réalités linguistiques et historiques particulières en matière de droit à sa langue.

 















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Osons nous lancer


Qui ose parler provençal dans un groupe quand il ne sait pas s’il sera compris, rejeté, ou folklorisé ? Drainant un siècle de représentations négatives, nous n’osons pas. C’est un tort. Quand on le fait, on s’aperçoit qu’on n’est pas seul. Et que, dans certaines circonstances, on peut entraîner l’adhésion.



Dans un de ses courts textes mordant et maintenant ancien, Pèire Pessemesse s’en plaint, en occitan, à peu près ainsi : « si nous sommes dix à parler la langue du pays au village, il suffit qu’un francophone intégral arrive dans le groupe pour que tous parlent automatiquement français. C’est une des causes de la disparition de notre langue ». Le moins qu’on puisse dire c’est que l’occitanophone moyen n’aime pas exclure l’autre. Et puisque pour être compris de tous il suffit de parler la langue commune de l’hexagone…
 
A mesure que la langue, non enseignée, non valorisée, réservée à des cercles de plus en plus restreints, se dé-pratique, il devient, mentalement et socialement, de moins en moins possible de la parler en public.

Il y a quelque temps, assistant au vernissage d’une exposition consacrée à Cézanne, je discutais avec quelques confrères et consoeurs, quand un conseiller général, invité lui aussi, nous salue et me parle en lenga nòstra. Nous échangeons ainsi quelques amabilités, et moins de cinq secondes après, le reste du groupe nous quitte, un peu énervé : « bon alors, on vous laisse entre vous, hein ! ». Le seuil de la douleur culturelle avait été bien vite atteint. Bien sûr, nos banalités étaient compréhensibles pour qui voulait juste tendre l’oreille. Mais nous avions réveillé une frustration ; la langue ressentie comme un incontournable symbole régional, ne peut plus être parlée par ceux qui estiment ne pas la savoir. Ils la rejettent donc, et sont les plus virulents dans cet exercice.
 
A l’inverse, hier à peine, je me trouvais dans un cénacle d’entrepreneurs, tous plus innovants les uns que les autres. On me demande ce que je fais, et j’énonce les différents journaux pour lesquels je travaille, en citant Aquò d’Aquí. Une jeune personne saisit l’occasion pour signaler qu’elle a présenté l’épreuve d’occitan au bac voici quelques années. Nous échangeons donc quelques mots dans cette langue. Immédiatement, un industriel majeur français de la fin du XXè siècle, qui est avec nous, poursuit la conversation en béarnais, qu’il parlait enfant. J’aime autant vous dire que personne n’a quitté pour autant le groupe de ce personnage aussi simple que prestigieux. Un instant après nous avons tous repris le cours de la conversation, en français. Personne n’avait attrapé de boutons !
 
Je crois que nous touchons ici à un phénomène aussi important que peu connu. La langue reste comprise, elle peut être parlée. Mais sa pratique comme moyen de communication se heurte à deux obstacles qui ne doivent plus rien à l’ostracisme de l’Etat, si souvent mis en avant : d’une part nous craignons de ne pas être compris et de passer pour un Néanderthalien projeté au siècle de la carte à puces ; d’autre part nous ne voulons pas couper le fil de communication qui nous relie à l’autre, privilégiant le fond de cette communication à sa forme.
 
C’est tout à fait méritoire, mais qui se lance et parle, même peu, en public, la langue régionale, se rend vite compte qu’il n’est pas seul. Et parfois des gens jouissant d’une certaine considération sociale s’y mettent et en sont heureux, tout en entraînant l’adhésion commune. Sans l’intrusion de l’occitan dans la vie publique, même mesurée, nous continuerons à nous entendre dire que notre langue n’est plus parlée par personne. C’est faux, mais nous ne faisons rien pour le prouver. Si nous le faisions, des barrières mentales tomberaient dans ce pays. Nous affirmerions sa diversité sans affecter son unité.
 
Pourtant notre attitude de retrait est bien compréhensible. Nous ignorons nous-mêmes qui parle parmi les gens que nous croisons dans la rue. Comment rompre ce cercle vicieux d’ignorance et de timidité ? Je n’ai pas LA solution, j’ai une solution : l’abonnement à ce site dédié à la pratique de l’occitan dans ses variétés provençale, niçoise et alpine nous permet aujourd’hui de vous compter, demain elle vous permettra de dialoguer, quand nous aurons mis en place les forums adéquats. Enfin comme le site est bilingue, il peut attiser la curiosité de tous ceux qui, ayant perdu la langue, ou ne l’ayant jamais eue à l’oreille, pourront soit s’y mettre, soit simplement considérer qu’elle fait partie de notre univers à tous.
 
Ne vous privez pas de faire circuler le lien du site web d’Aquò d’Aquí, de le publier sur vos réseaux sociaux ; vous agrandirez le cercle de ceux qui continuent à dialoguer entre eux en occitan, de ceux qui s’en donnent les moyens, et vous pourrez ainsi inviter les francophones intégraux à vous rejoindre, sans avoir à taire ce que vous êtes.

Mercredi 4 Juillet 2012
Michel Neumuller




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