Après "Putan de Cançon" en 2010, "Artémis" fait plus appel au blues. Au premier plan, Tatou (photo XDR)
Moussu T. a choisi une déesse tutélaire pour ce nouvel album. Pourquoi Artémis ?
Artémis, celle d’Ephese, c’est un peu la déesse tutélaire des Phocéens. L’histoire est connue ici : le rêve d’une femme noble convainc ces Grecs d’Asie Mineure de faire un crochet par Ephese avant de partir pour l’ouest, où ils s'entendent avec les locaux et fondent Marseille. Ils se placaient sous la protection de la déesse de la fécondité, qui nourrit le monde. Le Musée d’histoire de Marseille en montre une statue, pleine de seins, mais Manu Théron me dit qu’en fait il s’agit de testicules de taureaux! Bref, la fécondité, quoi. Je crois qu’il s’agit d’un symbole de la protection féminine qui est si forte en Méditerranée. En droite ligne historique on trouvera après elle la Bonne Mère, puis la Liberté guidant le peuple, et pourquoi pas Lucie Aubrac, ou nos trobairitz ? En tout cas pour l’album c’est, plus qu’un fil conducteur, une fille conductrice !
La mer est très présente dans « Artémis ».
Oui, nous avons voulu tenir compte de ce qu’est notre civilisation du rivage, ce côté ouvert de l’Occitanie maritime. On s’est nous-mêmes construits avec des apports de l’extérieur, alors ce disque c’est la pierre qu’on apporte au cosmopolitisme. Une histoire qui touche aussi Nice, Sète ou La Ciotat, là où ont abordé les Phocéens.
Artémis, celle d’Ephese, c’est un peu la déesse tutélaire des Phocéens. L’histoire est connue ici : le rêve d’une femme noble convainc ces Grecs d’Asie Mineure de faire un crochet par Ephese avant de partir pour l’ouest, où ils s'entendent avec les locaux et fondent Marseille. Ils se placaient sous la protection de la déesse de la fécondité, qui nourrit le monde. Le Musée d’histoire de Marseille en montre une statue, pleine de seins, mais Manu Théron me dit qu’en fait il s’agit de testicules de taureaux! Bref, la fécondité, quoi. Je crois qu’il s’agit d’un symbole de la protection féminine qui est si forte en Méditerranée. En droite ligne historique on trouvera après elle la Bonne Mère, puis la Liberté guidant le peuple, et pourquoi pas Lucie Aubrac, ou nos trobairitz ? En tout cas pour l’album c’est, plus qu’un fil conducteur, une fille conductrice !
La mer est très présente dans « Artémis ».
Oui, nous avons voulu tenir compte de ce qu’est notre civilisation du rivage, ce côté ouvert de l’Occitanie maritime. On s’est nous-mêmes construits avec des apports de l’extérieur, alors ce disque c’est la pierre qu’on apporte au cosmopolitisme. Une histoire qui touche aussi Nice, Sète ou La Ciotat, là où ont abordé les Phocéens.
Enfermés cinq jours pour accoucher d'Artémis
Artémis d'Ephese, l'abondance et la protection (photo XDR)
Autour de Blu, aux cordes, et de toi, qui sont les musiciens du disque ?
Les musiciens sont parfois des nouveaux, comme le bassiste Stéphane Murmann, ou Deli K, en fait Stéphane Lopez, celui de Kajar’òc. C’est un air frais, nécessaire pour vivifier ce qu’on fait avec Blu, le batteur Denis, ou notre percussionniste brésilien Jamilson.
Lui est un habitué de tes disques. On ne le voit que pour les enregistrements ?
Il est très demandé au Brésil, où, clairement, est sa vie. Il vient donc pour enregistrer, il serait difficile de le garder pour les concerts. Son regard nous aide, parce qu’il vient d’ailleurs, et nous avons parfois besoin d’être bousculés par un type du dehors.
Il y a une sorte de coktail d’influences chez Moussu T. : le blues, les rythmes brésiliens, Vincent Scotto…quel est le dosage dans Artémis ?
Le blues est plus présent que d’habitude, notre côté brésilien l’est moins, idem pour nos références à Scotto. On a en fait travaillé différemment. Nous sommes restés enfermés durant cinq jours hors de La Ciotat, une sorte de séminaire durant lequel on a précisé l’idée de l’album. Quand on en est sortis, le tri entre les textes était fait. On a délibérément laissé de côté beaucoup de choses.
Il y a cette chanson sur un poulpe, qui semble dire beaucoup de choses sur la société. Mais quoi au juste ?
Ce poulpe nous sert bien à dire des choses importantes. Il est très intelligent mais tellement différent de nous, avec un cerveau dans chacune de ses tentacules ! Il fonctionne de façon radicalement différente de la nôtre. La question pour nous c’est de reconnaître l’autre même quand il est radicalement différent. On avait aussi écrit sur le gabian dans le même esprit (ré écouter l’album Mademoiselle Marseille, ndlr). Il y a ainsi un bestiaire « Moussu T. » en voie de constitution, et qui nous aide à avoir une vision de l’Humanité, de la société.
Les musiciens sont parfois des nouveaux, comme le bassiste Stéphane Murmann, ou Deli K, en fait Stéphane Lopez, celui de Kajar’òc. C’est un air frais, nécessaire pour vivifier ce qu’on fait avec Blu, le batteur Denis, ou notre percussionniste brésilien Jamilson.
Lui est un habitué de tes disques. On ne le voit que pour les enregistrements ?
Il est très demandé au Brésil, où, clairement, est sa vie. Il vient donc pour enregistrer, il serait difficile de le garder pour les concerts. Son regard nous aide, parce qu’il vient d’ailleurs, et nous avons parfois besoin d’être bousculés par un type du dehors.
Il y a une sorte de coktail d’influences chez Moussu T. : le blues, les rythmes brésiliens, Vincent Scotto…quel est le dosage dans Artémis ?
Le blues est plus présent que d’habitude, notre côté brésilien l’est moins, idem pour nos références à Scotto. On a en fait travaillé différemment. Nous sommes restés enfermés durant cinq jours hors de La Ciotat, une sorte de séminaire durant lequel on a précisé l’idée de l’album. Quand on en est sortis, le tri entre les textes était fait. On a délibérément laissé de côté beaucoup de choses.
Il y a cette chanson sur un poulpe, qui semble dire beaucoup de choses sur la société. Mais quoi au juste ?
Ce poulpe nous sert bien à dire des choses importantes. Il est très intelligent mais tellement différent de nous, avec un cerveau dans chacune de ses tentacules ! Il fonctionne de façon radicalement différente de la nôtre. La question pour nous c’est de reconnaître l’autre même quand il est radicalement différent. On avait aussi écrit sur le gabian dans le même esprit (ré écouter l’album Mademoiselle Marseille, ndlr). Il y a ainsi un bestiaire « Moussu T. » en voie de constitution, et qui nous aide à avoir une vision de l’Humanité, de la société.
Marseille "capitale européenne de la poudre aux yeux"
2013, Marseille est capitale européenne de la Culture. Sans Moussu T. ?
La question qui fâche ! Bon, soyons honnêtes, je n’en attendais pas grand-chose. Comment faire confiance au centralisme ? Le centre ne nous libérera pas. Mais tout de même, je me suis laissé aller à penser que « non, vraiment, ils ne peuvent pas complètement oublier notre culture, notre langue… c’est pas possible, il y aura au moins des miettes… » Mais non, même pas. Ils n’ont peur de rien. Qui peut penser que tout d’un coup, en 2013, la Méditerranée devient un bouillon de culture ? Et avant eux, il n’y avait rien ? On les a attendu peut-être, pour faire quelque chose ? Le « òai », cet acte festif et révolutionnaire, ils en ont fait une « clameur ». Bof !
Marseille Provence 2013 capitale provinciale de la culture parisienne, si je traduis bien ?
Cette affaire arrive alors que notre mise sous tutelle s’accélère. On devrait être vaccinés, ça nous est déjà arrivé à la fin des années 30 : puisque nous sommes incapables de résoudre nos problèmes, on n’a plus qu’à voir l’Etat comme un sauveur. Nous avons je crois cinq préfets à Marseille. Je ne connais pas d’autre endroit qui soit traité de cette manière. Je ressens MP2013 en cohérence avec cette façon de voir : on doit être très mauvais en culture aussi ! Moi je pense que l’Etat crée ici une sorte de République bananière, un système qu’il laisse prospérer, puis vingt ans après, il revient avec le vaccin et se présente comme un sauveur. On fait aussi comme ça pour rénover la ville ; on laisse complètement pourrir un quartier, puis on requalifie. Les habitants subissent tout. Je trouve ça désolant, mais pas surprenant.
Le milieu occitan était vacciné, on n’en a pas attendu grand-chose. Mais il y a tous ceux qui ont cru dans le discours multiculturaliste de Marseille Provence 2013, au début. On s’est bien servi d’eux, et au final ils ont été mis sur le côté. Non, la seule chose que je regrette là-dedans, c’est l’absence de réponse collective. Proposer ? Mais on ne nous a pas demandé de quoi nous aurions envie pour cette année « capitale ». Les bonnes volontés ont été utilisées pour accélérer un changement urbain. Quand Jean-Marc Ayrault est venu en novembre (2012, ndlr), il a annoncé qu’il enverrait des policiers pour résoudre les problèmes de Marseille, puis tout de suite il a parlé de culture. Moi ça me semble significatif, cette proximité. Pour lui comme pour d’autres, le plus important c’était de jeter de la poudre aux yeux.
La question qui fâche ! Bon, soyons honnêtes, je n’en attendais pas grand-chose. Comment faire confiance au centralisme ? Le centre ne nous libérera pas. Mais tout de même, je me suis laissé aller à penser que « non, vraiment, ils ne peuvent pas complètement oublier notre culture, notre langue… c’est pas possible, il y aura au moins des miettes… » Mais non, même pas. Ils n’ont peur de rien. Qui peut penser que tout d’un coup, en 2013, la Méditerranée devient un bouillon de culture ? Et avant eux, il n’y avait rien ? On les a attendu peut-être, pour faire quelque chose ? Le « òai », cet acte festif et révolutionnaire, ils en ont fait une « clameur ». Bof !
Marseille Provence 2013 capitale provinciale de la culture parisienne, si je traduis bien ?
Cette affaire arrive alors que notre mise sous tutelle s’accélère. On devrait être vaccinés, ça nous est déjà arrivé à la fin des années 30 : puisque nous sommes incapables de résoudre nos problèmes, on n’a plus qu’à voir l’Etat comme un sauveur. Nous avons je crois cinq préfets à Marseille. Je ne connais pas d’autre endroit qui soit traité de cette manière. Je ressens MP2013 en cohérence avec cette façon de voir : on doit être très mauvais en culture aussi ! Moi je pense que l’Etat crée ici une sorte de République bananière, un système qu’il laisse prospérer, puis vingt ans après, il revient avec le vaccin et se présente comme un sauveur. On fait aussi comme ça pour rénover la ville ; on laisse complètement pourrir un quartier, puis on requalifie. Les habitants subissent tout. Je trouve ça désolant, mais pas surprenant.
Le milieu occitan était vacciné, on n’en a pas attendu grand-chose. Mais il y a tous ceux qui ont cru dans le discours multiculturaliste de Marseille Provence 2013, au début. On s’est bien servi d’eux, et au final ils ont été mis sur le côté. Non, la seule chose que je regrette là-dedans, c’est l’absence de réponse collective. Proposer ? Mais on ne nous a pas demandé de quoi nous aurions envie pour cette année « capitale ». Les bonnes volontés ont été utilisées pour accélérer un changement urbain. Quand Jean-Marc Ayrault est venu en novembre (2012, ndlr), il a annoncé qu’il enverrait des policiers pour résoudre les problèmes de Marseille, puis tout de suite il a parlé de culture. Moi ça me semble significatif, cette proximité. Pour lui comme pour d’autres, le plus important c’était de jeter de la poudre aux yeux.
Le groupe lancera son nouvel album avec deux apéro concerts, à La Ciotat et à Marseille (photo XDR)