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Le créole de la Martinique bâillonné

Contrairement à la Corse, la cour administrative n'a pas reconnu à La Martinique que sa langue, le créole, soit co-officielle du français. Il y a dans ces arrêts une interprétation qui va toujours à l'interdiction. Il est donc temps de changer l'article constitutionnel qui sert de prétexte à ce bâillonnement.

Le Tribunal Administratif de Fort-de-France, Martinique, près d’un an et demi après, a annulé le 3 octobre dernier une délibération de 2023 faisant du créole la langue officielle du département, au côté du français.

 

Ainsi, une fois de plus l’article 2 de la Constitution sert à étrangler les volontés d’un pays aux réalités linguistiques et historiques particulières en matière de droit à sa langue.

 















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La Charte Européenne, caution à peu de frais


Ce même jeudi 4 juin le président Hollande annonce une loi constitutionnelle pour ratification de la Charte Européenne des Langues Régionales, pendant que le ministère de l’Education Nationale confirme la création d’un GIP portant l’Office de la langue occitane. Mais quid des droits à la langue ?



En principe l’impulsion que donne au projet de loi constitutionnelle que vient d’annoncer le président de la République doit aboutir, à échéance raisonnable, à la ratification par la France de la Charte Européenne des Langues Régionales, ou minoritaires.
 
Sollicité par le député PS du Finistère Jean-Jacques Urvoas, le Chef de l’Etat lui a répondu par lettre, rendue publique ce 4 juin par son destinataire, qu’il chargeait la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, de rédiger le projet de Loi qui devra être soumis au Congrès, c’est-à-dire à la réunion de l’Assemblée Nationale et du Sénat.
 
Au vu des votes largement majoritaires des deux assemblées, qui se sont déjà saisies de la question dans le passé récent, il est probable que le texte à venir n’entraînera pas de blocage majeur.
 
D’autant moins que la Charte Européenne est à géométrie variable. Les Etats n’ont pas à la prendre en bloc, mais choisissent dans la petite centaine d’engagements proposés ce qu’ils veulent.

La France, dès 2002, quand pour la première fois le Parlement en discuta, n’en retenait même pas la moitié.

Argument de communication présidentielle

La Charte européenne n'entraînerait aucune obligation particulière lors de la rédaction d'un projet de réforme des collèges par exemple (photo MN)
La Charte européenne n'entraînerait aucune obligation particulière lors de la rédaction d'un projet de réforme des collèges par exemple (photo MN)
Mais en ratifiant la Charte, les Etats s’obligent à laisser l’Union Européenne vérifier régulièrement que leurs engagements sont tenus. La publicité qui leur est faite quand ils se sont montrés laxistes est du pire effet. C’est la meilleure, et peut-être la seule garantie qu’offre ce dispositif.
 
C’est aussi pourquoi, toute une partie des régionalistes français n’estime plus que la 56è proposition du candidat Hollande ait une importance cruciale. Il serait même logique que lui-même n’y accorde pas d’importance, tant la France ne s’obligerait là qu’à peu de choses.
 
On ne peut en fait que soupçonner le chef de l’Etat, fin communicant, d’avoir attendu le moment opportun pour faire cette annonce dont il ne faut pas attendre qu’elle révolutionne le droit à utiliser publiquement breton, catalan ou occitan en France.
 
C’est en effet au moment où apparait la réforme des collèges portée par la ministre Najat Vallaud-Belkacem, que cette annonce est faite. Or, la réforme en question condamne l’enseignement de nos langues régionales à la plus grande marginalité, la soumet largement au bon vouloir des chefs d’établissement, et grève lourdement l’enseignement de ces langues dans le premier degré de l’enseignement. A quoi bon en effet, ces efforts pour apprendre l’occitan en primaire, si l’on doit abandonner cet apprentissage au collège ?

La tolérance mais pas le droit

La Charte Européenne ne serait en rien un barrage quelconque contre un simple projet de réforme tel que celui-ci. Si sa portée symbolique reste forte pour les défenseurs des langues régionales, elle constituera aussi pour le gouvernement une caution à peu de frais de son si volatil engagement pour l’avenir de notre diversité linguistique et culturelle.
 
Autre annonce opportune, réalisée ce même jour, celle de l’entrée de l’Etat au Groupement d’Intérêt Public qui portera l’Office public de la langue occitane.
 
Les présidents de Régions Midi Pyrénées et Aquitaine, qui tous deux avaient voulu de concert cet office, outil conçu pour lancer des politiques pratiques de socialisation de notre langue régionale, ont été informés par les services de Mme Vallaud-Belkacem, que ce serait chose faite.
 
La mobilisation, modeste mais largement répartie dans tout le territoire de pertinence de la langue d’oc, aura payé. La grève de la faim entamée le 27 mai par David Grosclaude pour obtenir l’officialisation de ce GIP a été en effet accompagnée de jeûnes, rassemblements, et communications qui mettaient sur le devant de la scène informative ce fait que l’Etat espérait garder discret.
 
Que ressort-il de tout cela ? Que le gouvernement joue au yoyo avec les demandes associatives, professionnelles ou institutionnelles concernant la place de la langue occitane, et plus généralement des langues de France.
 
L’essentiel est et reste que l’expression de celles-ci demeure cantonnée dans le domaine de la tolérance, et n’entre jamais dans celui du droit. Seule la pression exercée, si possible de façon concertée par les promoteurs de l’occitan, peut faire bouger les lignes.
 
La manifestation pour la langue occitane, prévue à Montpellier le 24 octobre prochain, pourrait constituer la prochaine de ces pressions. Si elle est un succès populaire (30 000 personnes avaient manifesté ainsi à Toulouse en mars 2012), elle devrait être l’occasion de réclamer « du solide », c’est-à-dire la discussion d’une loi qui donne enfin des droits, à apprendre et partager les langues régionales en France.
 
Aller plus loin vers un projet de loi ? (photo MN)
Aller plus loin vers un projet de loi ? (photo MN)

Jeudi 4 Juin 2015
Michel Neumuller





1.Posté par Tautil Gérard le 10/06/2015 19:29
L'annonce d'une ratification de la Charte et d'une discussion au Parlement sont une bonne nouvelle. Mais soyons prudents, car c'est à un véritable parcours à haut risque auquel nous allons une fois de plus assister.

Les réserves du Conseil constitutionnel sont dans la tradition de l'idéologie française dominante : "un Etat-pays-Nation, un seul peuple, une seule langue"... Au nom de l'égalité institutionnelle, le caractère universel de ce principe s'applique à tous les citoyens sans tenir compte des réalités linguistiques, culturelles et "régionales". Et ce caractère centralisé de l'Etat se prolonge ici dans une perspective incontournable d'une citoyenneté de type XIXe siècle, difficilement amendable.

La promesse de F.Hollande de ratification, assortie des 39 articles signés (ou plus) de la charte va se trouver confrontée à nouveau au vote parlementaire et à celui du Sénat qui, pour ce dernier, est majoritairement contre.


De plus, pour modifier la constitution (article 1 ou 2), le passage obligé devant le Congrès sera nécessaire (3/5 pour faire passer toute modification). Exercice également périlleux qui a jusqu'ici échoué. Mais c'est, personnellement, un processus meilleur que celui d'un référendum face à une opinion publique dont l'enjeu et l'information démocratiques sont absents de tout débat, inexistants à ce jour.

Le côté positif est sans doute que le clivage traditionnel droite/gauche sur cette question n'est pas fondamentalement respecté (Le Fur, Urvoas, Bayrou, PCF, Verts y sont favorables), face à un front conservateur ultra-nationaliste (LR, FN, Mélanchon...).

Enfin, on peut toujours rappeler que François Alfonsi (Régions & Peuples Solidaires-Parti de la Nation Corse, ex-parlementaire européen ALE-Verts) a fait voter une motion dont il était le rapporteur qui a recueilli plus de 700 votes favorables au Parlement européen contre 25 (dont notre Mélanchon national qui n'a guère évolué sur cette question).

Tels sont, à mon avis, les contours institutionnels de cet enjeu.Et il faut toujours envisager le pire, même et surtout si c'est le côté tolérance sans applications concrètes qui l'emportera in fine.

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