Si la langue telle que transmise en famille dans un milieu déterminé s'est largement perdue, le souhait de la parler, lui, a grandi.Reste une enquête sociolinguistique à mener pour le vérifier (photo MN)
L’Association Les Alpes de Lumière publient avant l’été le quatrième tome du monumental Atlas linguistique de Provence. Trente ans après les trois premiers. Pourquoi ce hiatus ?
Cet ouvrage s’inscrit dans une lignée de recherche. Les trois premiers tomes ont été publiés par le CNRS entre 1975 et 1986. Ce type d’édition n’étant plus réalisé par le CNRS, ce sont les Alpes de Lumière qui assument la fin de ce travail de longue haleine. Alexandre Dumas a publié « 20 ans après »…et bien nous ce sera « Trente ans après »… Nous attendons une aide de la Région pour financer cet ultime tome, mais ce sont d'abord nos souscripteurs qui le permettront.
Il s’agit d’un Atlas du Provençal, pourtant il ne s’intéresse pas à celui-ci, du moment qu’il est parlé dans le Gard.
L’aire du provençal va au-delà du Rhône, bien sûr. Cependant si nous nous sommes intéressés à tout ce qui se parle à l’Est du fleuve, la raison en est que la constitution de ces atlas, en France, s’est basée sur nos régions historiques. Le provençal rhodanien de Nîmes figure donc dans l’Atlas du Languedoc…En revanche le notre s'intéresse aux parlers d'oc de notre région Provence Alpes Côte d'Azur.
En quoi avez-vous augmenté ce travail ancien ?
La plus grande partie de ce travail de collecte était réalisé dès les années 1980, mais certaines enquêtes devaient être complétées, en particulier dans les Hautes-Alpes et les Alpes Maritimes, ou encore dans le Trievas, en Drôme.
Nous avons, avec Claude Martel (Ingénieur du CNRS, et présidente des Alpes de Lumière, NDLR), rencontré des difficultés pour ce travail d’information tardif. En vérité nous avons désormais beaucoup de mal à trouver des gens qui aient une connaissance du parler de l’endroit. On ne trouve pratiquement plus d’informateurs.
Cet ouvrage s’inscrit dans une lignée de recherche. Les trois premiers tomes ont été publiés par le CNRS entre 1975 et 1986. Ce type d’édition n’étant plus réalisé par le CNRS, ce sont les Alpes de Lumière qui assument la fin de ce travail de longue haleine. Alexandre Dumas a publié « 20 ans après »…et bien nous ce sera « Trente ans après »… Nous attendons une aide de la Région pour financer cet ultime tome, mais ce sont d'abord nos souscripteurs qui le permettront.
Il s’agit d’un Atlas du Provençal, pourtant il ne s’intéresse pas à celui-ci, du moment qu’il est parlé dans le Gard.
L’aire du provençal va au-delà du Rhône, bien sûr. Cependant si nous nous sommes intéressés à tout ce qui se parle à l’Est du fleuve, la raison en est que la constitution de ces atlas, en France, s’est basée sur nos régions historiques. Le provençal rhodanien de Nîmes figure donc dans l’Atlas du Languedoc…En revanche le notre s'intéresse aux parlers d'oc de notre région Provence Alpes Côte d'Azur.
En quoi avez-vous augmenté ce travail ancien ?
La plus grande partie de ce travail de collecte était réalisé dès les années 1980, mais certaines enquêtes devaient être complétées, en particulier dans les Hautes-Alpes et les Alpes Maritimes, ou encore dans le Trievas, en Drôme.
Nous avons, avec Claude Martel (Ingénieur du CNRS, et présidente des Alpes de Lumière, NDLR), rencontré des difficultés pour ce travail d’information tardif. En vérité nous avons désormais beaucoup de mal à trouver des gens qui aient une connaissance du parler de l’endroit. On ne trouve pratiquement plus d’informateurs.
Les soi-disant frontières dialectales sont très relatives
L'ouvrage co dirigé par Jean-Claude Bouvier réserve quelques surprises, en particulier sur les soi-disant frontières dialectales entre provençal et alpin (photo MN)
Nous sommes au XXIè siècle, et les gens bougent, changent de ville, échangent. La langue qu’ils parlent dans l’aire de votre enquête est-elle vraiment celle du lieu ?
Nous collectons bien sûr auprès de locuteurs autochtones, et nous cherchons à écarter de ce champ de recherche les locuteurs nouveaux. La présence de ces derniers nous donnerait une information précieuse, non sur le dialecte du lieu, mais sur l’envie de parler la langue. Seulement, là, il s’agirait d’une autre enquête, sociolinguistique celle-là, qui reste à réaliser sur les mêmes espaces.
Cet Atlas confirme-t-il les frontières entre variétés dialectales telles que la plupart des cartes linguistiques nous les proposent ?
Comme dialectologue, je suis critique sur la notion de frontière dialectale. C’est très relatif. On peut bien définir une variété alpine, certes, mais en même temps, on s’aperçoit que des marqueurs tels que le « c » final (ex. fuec) est remarqué dans un espace plus restreint que prévu, probablement parce que les parlers méridionaux ont, à une époque, influencé les parlers plus nordiques. Nous faisons la même observation à propos de l’aire de l’ostau et de celle de la maison, ou de la présence du « ch » plutôt que du « k » (ex. cabra – chabra). A priori on penserait que le mont Ventoux constitue un passage des uns aux autres. En réalité la situation est bien plus complexe.
Qui a mené en pratique ce travail de collecte ?
Pour les premiers tomes nous étions aidés par nombre d’étudiants, qui avaient alors effectué ces enquêtes de terrains, passionnantes, pour leurs mémoires de maîtrise, de master si vous préférez. Et puis il y avait des collaborateurs vaillants. J’espère ne pas en oublier si je vous cite Alain Fournier dans les Alpes-Maritimes, Henri Paul Bremondi et Jean-Luc Domenge dans le Var, ou Paul Pons dans les Hautes-Alpes. La plus grande partie de ce travail, cependant, est le fait de Claude Martel.
Qui pourra intéresser un tel ouvrage ?
Avec des données datées, l’Atlas doit faire connaitre les variétés de la langue d’oc. C’est un corpus qui doit être mis à disposition des gens qui s’intéressent à l’occitan. Les toponymistes, par exemple, en auront l'usage.
Nous collectons bien sûr auprès de locuteurs autochtones, et nous cherchons à écarter de ce champ de recherche les locuteurs nouveaux. La présence de ces derniers nous donnerait une information précieuse, non sur le dialecte du lieu, mais sur l’envie de parler la langue. Seulement, là, il s’agirait d’une autre enquête, sociolinguistique celle-là, qui reste à réaliser sur les mêmes espaces.
Cet Atlas confirme-t-il les frontières entre variétés dialectales telles que la plupart des cartes linguistiques nous les proposent ?
Comme dialectologue, je suis critique sur la notion de frontière dialectale. C’est très relatif. On peut bien définir une variété alpine, certes, mais en même temps, on s’aperçoit que des marqueurs tels que le « c » final (ex. fuec) est remarqué dans un espace plus restreint que prévu, probablement parce que les parlers méridionaux ont, à une époque, influencé les parlers plus nordiques. Nous faisons la même observation à propos de l’aire de l’ostau et de celle de la maison, ou de la présence du « ch » plutôt que du « k » (ex. cabra – chabra). A priori on penserait que le mont Ventoux constitue un passage des uns aux autres. En réalité la situation est bien plus complexe.
Qui a mené en pratique ce travail de collecte ?
Pour les premiers tomes nous étions aidés par nombre d’étudiants, qui avaient alors effectué ces enquêtes de terrains, passionnantes, pour leurs mémoires de maîtrise, de master si vous préférez. Et puis il y avait des collaborateurs vaillants. J’espère ne pas en oublier si je vous cite Alain Fournier dans les Alpes-Maritimes, Henri Paul Bremondi et Jean-Luc Domenge dans le Var, ou Paul Pons dans les Hautes-Alpes. La plus grande partie de ce travail, cependant, est le fait de Claude Martel.
Qui pourra intéresser un tel ouvrage ?
Avec des données datées, l’Atlas doit faire connaitre les variétés de la langue d’oc. C’est un corpus qui doit être mis à disposition des gens qui s’intéressent à l’occitan. Les toponymistes, par exemple, en auront l'usage.
Moins de locuteurs, mais plus d'envie d'apprendre et de parler
Il s'agissait de l'enquête de la dernière chance pour clore un travail entamé en 1975, et pour lequel on ne trouverait quasiment plus d'informateur demain (photo MN)
Dans un contexte où la langue est désormais plus apprise à l’école qu’en famille, les apprenants pourraient-ils y trouver un intérêt ?
Mais oui ! La situation change. De plus jeunes se mettent à apprendre la langue. Ce modèle pourra leur servir, s’ils veulent bien s’appuyer dessus. Vous avez raison de dire que la réalité d’aujourd’hui c’est l’échange, le mélange des variétés. Je n’ai pas de leçon à donner sur ce que doit être la langue d’oc telle qu’elle sera parlée demain. En tout cas le travail que nous avons réalisé pourra les aider, mais ne pourra plus être mené. On ne trouvera plus de locuteurs naturels ayant appris sur place la langue telle qu’elle y était parlée.
Un atlas de l’occitan pratiqué en Provence au XXIè siècle ressemblerait-il peu ou prou à celui que vous finissez de dresser ?
Le provençal, le niçois ou l’alpin parlés de nos jours c’est le champ d’un autre type d’enquête. Et, oui, j’estime qu’une grande enquête sociolinguistique vaudrait la peine d’être réalisée : qui sont les locuteurs ? Sont-ils des héritiers ? Dans quel cadre pratiquent-ils la langue ? Leur pratique dépend-elle d’un contexte ? Que signifie pour eux communiquer en occitan aujourd’hui ? Sont-ils locuteurs actifs ? Se contentent-ils de comprendre ? Ecrivent-ils ?
Ce souci de savoir où l’on en est traverse toute l’histoire du régionalisme occitan. Mais ce type d’enquête fait peur à ce milieu militant. Il craint qu’elle ne mette en évidence la rareté des locuteurs.
Une enquête scientifique montrerait probablement que les locuteurs sont une minorité, j’en suis certain. Mais la même enquête fera valoir que l’appétit de langue d’oc, lui, est important. Bien des gens ne peuvent plus parler la langue, mais celle-ci garde pour eux une importance énorme. C’est une sorte de drapeau sonore ! On s’y reconnaît. Ceux qui ne la parlent pas veulent néanmoins l’entendre. Le succès non démenti de la musique dite occitane, ou du théâtre en provençal semblent nous l’indiquer. Aussi je ne partage pas la crainte que certains peuvent avoir d’une telle enquête. Le seul problème qu’elle puisse mettre en évidence vraiment, c’est le manque d’intérêt que les organismes financeurs traditionnels montrent pour l’étude ou la sauvegarde du patrimoine immatériel aujourd’hui. J’aimerais que les Régions, les Départements et, pourquoi pas, les Parcs Naturels Régionaux, sachent mieux s’y intéresser.
Mais oui ! La situation change. De plus jeunes se mettent à apprendre la langue. Ce modèle pourra leur servir, s’ils veulent bien s’appuyer dessus. Vous avez raison de dire que la réalité d’aujourd’hui c’est l’échange, le mélange des variétés. Je n’ai pas de leçon à donner sur ce que doit être la langue d’oc telle qu’elle sera parlée demain. En tout cas le travail que nous avons réalisé pourra les aider, mais ne pourra plus être mené. On ne trouvera plus de locuteurs naturels ayant appris sur place la langue telle qu’elle y était parlée.
Un atlas de l’occitan pratiqué en Provence au XXIè siècle ressemblerait-il peu ou prou à celui que vous finissez de dresser ?
Le provençal, le niçois ou l’alpin parlés de nos jours c’est le champ d’un autre type d’enquête. Et, oui, j’estime qu’une grande enquête sociolinguistique vaudrait la peine d’être réalisée : qui sont les locuteurs ? Sont-ils des héritiers ? Dans quel cadre pratiquent-ils la langue ? Leur pratique dépend-elle d’un contexte ? Que signifie pour eux communiquer en occitan aujourd’hui ? Sont-ils locuteurs actifs ? Se contentent-ils de comprendre ? Ecrivent-ils ?
Ce souci de savoir où l’on en est traverse toute l’histoire du régionalisme occitan. Mais ce type d’enquête fait peur à ce milieu militant. Il craint qu’elle ne mette en évidence la rareté des locuteurs.
Une enquête scientifique montrerait probablement que les locuteurs sont une minorité, j’en suis certain. Mais la même enquête fera valoir que l’appétit de langue d’oc, lui, est important. Bien des gens ne peuvent plus parler la langue, mais celle-ci garde pour eux une importance énorme. C’est une sorte de drapeau sonore ! On s’y reconnaît. Ceux qui ne la parlent pas veulent néanmoins l’entendre. Le succès non démenti de la musique dite occitane, ou du théâtre en provençal semblent nous l’indiquer. Aussi je ne partage pas la crainte que certains peuvent avoir d’une telle enquête. Le seul problème qu’elle puisse mettre en évidence vraiment, c’est le manque d’intérêt que les organismes financeurs traditionnels montrent pour l’étude ou la sauvegarde du patrimoine immatériel aujourd’hui. J’aimerais que les Régions, les Départements et, pourquoi pas, les Parcs Naturels Régionaux, sachent mieux s’y intéresser.
Mis en souscription 40€ jusqu'au 30 mai
Mis en souscription jusqu'au 30 mai 2016.
La langue d’oc telle qu’on la parle (Atlas linguistique de la Provence), de Jean-Claude Bouvier et Claude Martel. Aux éditions Alpes de Lumière. 320 p. format A4. Avec chapitres thématiques : maison • mobilier • cuisine et ménage • vêtements et lessive • famille • naissance, enfance • maladie et mort • corps humain • religion • vie sociale. Mis en souscription avant publication pour 40€ (au lieu de 50€), avant le 30 mai 2016 (voir pièce jointe)