Vendredi dernier, aux Docks de Marseille, le Massilia Sound System au grand complet joue et chante devant environ 3000 personnes. A un moment sur scène, Tatou, le compositeur et chanteur évoque la situation en Catalogne. « J’ai dit qu’à Marseille on était bien placé pour savoir ce que c’est la solidarité » répond-il à notre question. « Et bien placé aussi pour comprendre ce que c’est d’être confronté à un centre, une capitale toute puissante ». Applaudissements dans la salle !
« Attention ! Un concert, ce n’est pas un meeting. Les gens ne viennent pas nous voir pour ça. Ceci-dit, la situation là-bas est grave, on enferme des gens qui ont des idées, et l’Europe regarde sans rien dire ni faire. Moi les bras m’en tombent. J’ai réagi ».
Peu avant, sur la même scène marseillaise, le groupe occitan des Valadas d’Italie, Lou Seriol, avait aussi évoqué la drôle de démocratie espagnole. Avec le même résultat dans le public.
« Si les Catalans doivent être indépendants, ça c’est à eux de le dire, pas à moi » poursuit Tatou. « En revanche, le respect de la démocratie, en Europe, ça nous regarde tous ». Et l’emprisonnement d’opposants politiques n’est ni conforme à la démocratie, ni compatible avec les valeurs européennes.
"Sans réfléchir ils préfèrent la logique d'Etat et ses entorses à la démocratie"
L’artiste occitaniste n’est pas un fan des frontières, et ce n’est pas la création éventuelle d’un nouvel Etat qui motive ses dires. Par contre, la défense « républicaine française » du revival franquiste outre Pyrénées, ça, ça l’énerve. «Tous ces gens de gauche que je vois défendre sans ciller les restes du Franquisme ; qui préfèrent une monarchie à une République, au prétexte que cette dernière ne serait pas parfaite !… »
Avec l’affaire de l’indépendance catalane, on touche là où ça fait mal, explique-t-il ; ici les fantasmes français ressurgissent immédiatement : « des gens défendent la démocratie en Catalogne, et tout de suite on veut voir la Corse atteinte de poussée indépendantiste, on imagine le Roussillon tout d’un coup séparatiste, l’Alsace quitter la France…A croire que, y compris dans ma « famille politique », si peu étatique, on préfère sans réfléchir l’Etat et ses entorses à la démocratie. Très révélateur. »
Mais révélateur de quoi ? « Félix Castan disait que le centralisme est une maladie mentale. A voir combien ce réflexe revient immédiatement, et comment on réfléchit, cette idée s’impose. Comme si on ignorait ce qu’est la Catalogne ! Je me rends compte combien le centralisme à la Louis XIV est ancré chez nos élites. Pas de réflexion, rejet immédiat, réaction négative, silence…Et ça ne se passe pas en France. Imaginez l’an prochain, le référendum pour l’indépendance de la Nouvelle Calédonie ! Ça promet ».
"Aucun drapeau républicain dans les cortèges espagnolistes"
A Barcelona on voit fleurir tout d’un coup la bannière rouge et jaune à l'aigle noir. Le drapeau espagnol en somme. « Mais pas du tout ! C’est le drapeau imposé par le Franquisme à l’Espagne. Le savent-ils les nouveaux défenseurs français des beaux restes de ce régime ? Aucun drapeau républicain dans les cortèges espagnolistes »
L’auteur-compositeur occitan préfère, quant à lui, se souvenir que le chant emblématique provençal, le Coupo Santo, fait deux fois référence à la fraternité avec les Catalans. A tout prendre ce réflexe-là lui semble plus en accord avec l’idée de solidarité qui ne transcende plus les gens de gauche en France.
A Tatou, on pourra rappeler des paroles qu’il reconnaitrait : « discute avec les pébrons et si jamais tu les convaincs / Alors là c’est pour de bon que ton commando (fada, ndrl) marque un point ».