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Le créole de la Martinique bâillonné

Contrairement à la Corse, la cour administrative n'a pas reconnu à La Martinique que sa langue, le créole, soit co-officielle du français. Il y a dans ces arrêts une interprétation qui va toujours à l'interdiction. Il est donc temps de changer l'article constitutionnel qui sert de prétexte à ce bâillonnement.

Le Tribunal Administratif de Fort-de-France, Martinique, près d’un an et demi après, a annulé le 3 octobre dernier une délibération de 2023 faisant du créole la langue officielle du département, au côté du français.

 

Ainsi, une fois de plus l’article 2 de la Constitution sert à étrangler les volontés d’un pays aux réalités linguistiques et historiques particulières en matière de droit à sa langue.

 















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Faut-il s'investir pour la Charte européenne des langues minoritaires ?


Aurélie Filipetti annonce la relance du processus de ratification de la Charte. Ses propos ont été précédés par un travail de conviction auprès de François Hollande. Mais sur le terrain occitaniste le doute est de rigueur : est-ce le bon combat ? Nous avons interrogé des acteurs représentatifs.



Aurélie Filipetti a annoncé le lancement du processus de ratification (photo XDR)
Aurélie Filipetti a annoncé le lancement du processus de ratification (photo XDR)
Depuis que, jeudi 15 novembre 2012, la ministre de la Culture Aurélie Filipetti, a annoncé que serait « mis en œuvre le processus conduisant à la ratification de la Charte Européenne des Langues Régionales », le débat est relancé. Défendre cette charte est-ce une bonne idée pour l’occitan ?
 
« En 2002 Jospin l’a tenté, et le Conseil Constitutionnel l’a dézinguée, la gauche est allée voir ailleurs et je ne vois pas ce qui changerait cette fois-ci » souligne pour sa part Felip Martel. Le responsable de la Felco (Fédération des Enseignents de Langue et Culture d'Oc) s’exprime là à titre personnel, et tiens à le préciser.
 
« Sans réforme constitutionnelle, ce n’est pas la peine, les effets seront les mêmes, il se trouvera toujours quelqu’un au Conseil Constitutionnel pour retoquer le texte. Franchement, pour moi la priorité n’est pas là » dit-il carrément. « On trouvera même des socialistes pour contester l’initiative du gouvernement. Celui-ci est déjà dans le renoncement sur d’autres points comme le vote des étrangers, ça ne s’améliorera pas. La seule chance d’un nouveau texte est déjà passée ; c’était durant l’été, quand les vents contraires ne  soufflaient pas encore sur ce gouvernement. »
 
La Charte Européenne des Langues Régionales ou Minoritaires est un texte adopté par le Parlement Européen en 1992. En 23 articles elle ouvre l’éventail des dispositions que les Etats sont invités à prendre pour sauvegarder et promouvoir l’usage des langues minoritaires, autres que les langues des migrants, sur leur territoire. Enseignement, médias…la Charte comporte de nombreux items. Elle rend essentiellement les Etats responsables de l’état de ces langues régionales.

Au nom de la France, réclamer à l'Etat la promotion de ses langues?

Pour Felip Martel, la priorité serait de réclamer à l'Etat une loi cadre pour l'occitan (photo MN)
Pour Felip Martel, la priorité serait de réclamer à l'Etat une loi cadre pour l'occitan (photo MN)
« Tant que la Charte ne pose pas l’existence de communautés, inacceptable en France par l’Etat, je ne pense pas qu’il y ait matière à réellement invoquer l’article 2 de la Constitution (« le français est la langue de la République…ndlr) pour rendre inconstitutionnelle cette ratification » estime, lui, Alain Barthélemy-Vigouroux, le secrétaire de l’Association pour l’Enseignement de la Langue d’Oc (Aeloc), d’ailleurs affiliée à la Felco de M. Martel.
 
« Aussi il ne faut pas réclamer de droits en tant que minorité, mais bien en tant que Français. C’est peut-être subtil, mais c’est en tant que citoyens français que nous devons demander à l’Etat, et pour l’intérêt de la France, de défendre et promouvoir les langues qui font partie de son patrimoine, au même titre qu’on peut lui demander de sauvegarder nos paysages ou la cathédrale de Reims ».
 
Le président de l’Institut d’Estudis Occitans des Bouches-du-Rhône, Joël Bouc, est lui aussi sans illusion vis-à-vis de la ratification, à l’annonce faite par Mme Filipetti. « Sans modification de la Constitution, le Conseil Constitutionnel empêchera comme en 2002 cette ratification ».
 
Pour autant la réponse que la ministre avait faite par écrit à une question du sénateur PS de l’Aude Robert Courteau, n’est pas considérée comme négative par Joël Bouc. « Il y a une valeur pédagogique dans tout ça. Même si l’objectif affiché n’est pas atteint, il reste que le débat s’instaure en France sur la place faite à ses langues, et que c’est une occasion de faire mieux savoir quel est le but des défenseurs des langues minoritaires : défendre et promouvoir la diversité culturelle, faire la démonstration que l’uniformité n’est pas ce dont la France a besoin ».

Une concertation préalable et transversale

Joeu Bouc (IEO13) : "Il y a une valeur pédagogique à ce processus" (photo MN)
Joeu Bouc (IEO13) : "Il y a une valeur pédagogique à ce processus" (photo MN)
Felip Martel, lui, s’il prend acte des propos de la ministre de la culture, attend surtout les réactions de son collègue à l’Education, Vincent Peillon. « Il vient de perdre 3% de son budget, il pourra difficilement proposer que les Régions, elles-mêmes en décroissance budgétaire, prennent en charge l’enseignement des langues régionales », charte européenne ou pas.
 
Pour lui, la priorité devrait être de demander, plutôt que la ratification de la Charte Européenne, une loi-cadre franco-française, précisant la place de l’enseignement de l’occitan.
 
D’une certaine façon, Alain Barthélemy-Vigouroux le rejoint : « l’Etat promeut à l’école la langue anglaise, sans que cela ne mette en danger, de son point de vue, la République. Il faut réclamer de sa part la même volonté de promouvoir les langues régionales à l’école, qui ne mettront pas plus en danger la République. »
 
Les propos plus précis d’Aurélie Filipetti laissent entendre qu’une vaste concertation préalable « et transversale » précédera toute initiative européenne, proposée aux parlementaires et à d’autres élus.
 
C’est sans doute là que s’annihileront les demandes contradictoires de ces élus : les touchés par le mouvement occitan d’un côté, partisan d’une reconnaissance globale de la langue d’Oc, et les autres influencés par des groupes strictement régionaux, frontalement opposés aux premiers. 

Approches élyséennes préalables

Car les propos d’Aurélie Filipetti ne sont pas nés du néant. Un aval de l’Elysée était nécessaire. Celui-ci a été préparé, en particulier par le conseiller de François Hollande, Bernard Poignant.
 
Pendant que les irrédentistes provençaux misaient sur un lobbying d’élus locaux pour dénier le caractère uni de la langue d’oc, l’autre camp, occitaniste, travaillait le cercle rapproché du président Hollande. Le 14 novembre, veille des propos de Mme Filipetti, René Ricarrère, Jean-Louis Blenet et Sèrgi Javaloyès étaient reçus à l’Elysée pour « rappeler l’exigence d’une impulsion au plus haut niveau pour une politique en faveur de ce patrimoine humain et vivant » qu’est la langue occitane dans toutes ses variétés.
 
Le premier est l’ancien délégué national du PS pour les langues régionales ; le second dirige l’Institut Supérieur des Langues de la République Française, le troisième, artiste connu, est Conseiller Economique et Social Régional d’Aquitaine.
 
« Nous avons insisté sur la nécessité d’un engagement prompt et déterminé de la Présidence et du gouvernement ». Ils ont été apparemment entendus.
 
Reste à savoir si c’est pour une gesticulation sans lendemain ou pour de réelles avancées législatives en faveur des langues de France.
Le groupe de personnalités occitanistes à l'Elysée le 14 novembre (photo XDR)
Le groupe de personnalités occitanistes à l'Elysée le 14 novembre (photo XDR)

Mardi 20 Novembre 2012
Michel Neumuller




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