Le "oui" à l'indépendance a dépassé le "non" dans les sondages d'opinion début septembre (photo XDR)
On pensait que le "oui" échouerait, voilà que les enquêtes d'opinion le donnent gagnant à quelques jours du référendum. A quoi serait due cette rapide évolution? Au fond, pour quelles raisons les Ecossais voudraient-ils leur indépendance en 2014?
Je ne sais pas si c’est une évolution rapide ou soudaine. Elle n’est soudaine que pour ceux qui pensaient que le “non” l’emporterait haut la main, et qui ne regardaient pas ce qui se passait dans le pays.
En fait les sondages indiquent une progression constante du “oui” depuis un an, construisant sur un noyau dur d’environ 35% d’indépendantistes de toujours (le mouvement écossais naît dès le lendemain des Actes d’Union entre l’Ecosse et l’Angleterre en 1707, avec des formes très différentes selon les époques).
Mais il serait faux de croire que le “nationalisme”, quelle que soit la manière dont on le définit, a progressé parmi la population. Beaucoup font une distinction nette et disent : "je suis pour l’indépendance, mais je ne suis pas nationaliste.”
Alors que s’est-il passé? D’abord, le débat a été de très haute qualité, en particulier du côté du oui. De nombreux artistes, intellectuels, universitaires, des autorités intellectuelles et morales, se sont lancés dans la bataille avec une énergie qu’on croyait enterrée en Europe dès qu’il est question de politique.
La parole s’est libérée, mais pas dans le sens du débat sur l’identité nationale en France: les gens se sont mis à se parler, à débattre, à échanger des idées, à inventer de nouvelles utopies.
Je ne sais pas si c’est une évolution rapide ou soudaine. Elle n’est soudaine que pour ceux qui pensaient que le “non” l’emporterait haut la main, et qui ne regardaient pas ce qui se passait dans le pays.
En fait les sondages indiquent une progression constante du “oui” depuis un an, construisant sur un noyau dur d’environ 35% d’indépendantistes de toujours (le mouvement écossais naît dès le lendemain des Actes d’Union entre l’Ecosse et l’Angleterre en 1707, avec des formes très différentes selon les époques).
Mais il serait faux de croire que le “nationalisme”, quelle que soit la manière dont on le définit, a progressé parmi la population. Beaucoup font une distinction nette et disent : "je suis pour l’indépendance, mais je ne suis pas nationaliste.”
Alors que s’est-il passé? D’abord, le débat a été de très haute qualité, en particulier du côté du oui. De nombreux artistes, intellectuels, universitaires, des autorités intellectuelles et morales, se sont lancés dans la bataille avec une énergie qu’on croyait enterrée en Europe dès qu’il est question de politique.
La parole s’est libérée, mais pas dans le sens du débat sur l’identité nationale en France: les gens se sont mis à se parler, à débattre, à échanger des idées, à inventer de nouvelles utopies.
Un débat riche où l'ultra-libéralisme est enfin remis en cause
Qui soutient le camp du « oui » ?
Le camp du oui n’est pas limité au parti nationaliste au pouvoir : on y trouve les Verts écossais, le Parti Socialiste Ecossais, une large frange du Parti Travailliste écossais, et de nombreux groupes de gauche qui ont fait porter leur argumentation sur la construction d’une société plus juste, plus démocratique, et plus représentative.
Et on y trouve surtout des jeunes. Le vote a été ouvert aux 16-18 ans pour la première fois, et ils se sont emparés du débat.
De votre point de vue, quelle aura été la qualité de ce débat ?
Les gens se sont parlé, entre voisins, entre générations, et ils ont appris à se faire confiance. La société de la méfiance que nous imposent les politiques ultra-sécuritaires et antisociales du gouvernement de Londres ont implosé.
Et les gens se rendent compte que s'ils peuvent se faire confiance, alors oui, un gouvernement écossais sera viable—et un gouvernement choisi, pas un gouvernement imposé, pas un autre gouvernement conservateur.
En d’autres termes, quand l’offre politique est porteuse d’espoir et d’autre chose que d’austérité, les votes ne se portent pas vers les partis d’extrême-droite.
En Angleterre, où aucune offre alternative crédible n’a émergé, les ultranationalistes du partit UKIP (UK Independence Party) ont vu leur électorat croître de manière significative.
Le camp du oui n’est pas limité au parti nationaliste au pouvoir : on y trouve les Verts écossais, le Parti Socialiste Ecossais, une large frange du Parti Travailliste écossais, et de nombreux groupes de gauche qui ont fait porter leur argumentation sur la construction d’une société plus juste, plus démocratique, et plus représentative.
Et on y trouve surtout des jeunes. Le vote a été ouvert aux 16-18 ans pour la première fois, et ils se sont emparés du débat.
De votre point de vue, quelle aura été la qualité de ce débat ?
Les gens se sont parlé, entre voisins, entre générations, et ils ont appris à se faire confiance. La société de la méfiance que nous imposent les politiques ultra-sécuritaires et antisociales du gouvernement de Londres ont implosé.
Et les gens se rendent compte que s'ils peuvent se faire confiance, alors oui, un gouvernement écossais sera viable—et un gouvernement choisi, pas un gouvernement imposé, pas un autre gouvernement conservateur.
En d’autres termes, quand l’offre politique est porteuse d’espoir et d’autre chose que d’austérité, les votes ne se portent pas vers les partis d’extrême-droite.
En Angleterre, où aucune offre alternative crédible n’a émergé, les ultranationalistes du partit UKIP (UK Independence Party) ont vu leur électorat croître de manière significative.
Plutôt jeunes et partisans de services publics les tenants du "oui" débattent de l'avenir
Jaume Costa : "C'est après le référendum, en cas de victoire du "oui", que les défenseurs des langues d'Ecosse feront valoir leur contribution à ce résutat" (photo XDR)
Qu’est-ce qui, dans ce débat, a permis au « oui » de remonter dans les intentions de vote ?
Le oui a su devenir crédible parce que le non a mené une campagne que ses partisans croyaient gagnée d’avance, parce que le premier ministre écossais a su habilement battre le leader du non dans un débat télévisé fin août, parce qu’à mesure que le oui devient possible, la population se rend compte qu’un autre monde est possible, et qu’ils ont envie d’y croire.
La question sociale, avec une Angleterre vue d’ici comme libérale et une Ecosse plus à gauche, influe-t-elle sur l’évolution des sondages ?
Selon un sondage publié le 9 septembre, seuls les plus de 60 ans sont majoritairement en faveur du non.
Ceux qui vivront demain en Ecosse ne veulent pas d’un avenir tel que celui que prépare le gouvernement conservateur à Londres : privatisations du système de santé (dévolu à l’Ecosse, mais dépendant de la somme allouée à l’Ecosse par le gouvernement britannique), privatisation du système postal (dans un pays où d’immenses zones sont sous-peuplées, ça signifie la fin de l’accès au service postal), éducation de plus en plus onéreuse (les universités sont gratuites en Ecosse) etc.
La montée du oui en Ecosse ressemble par bien des aspects à celles des mouvements tels que les Indignés, Occupy, les manifestations en Islande contre le sauvetage des banques etc., à la fois dans le fond des revendications et dans la forme. Cela s’exprime en particulier par un recours massif aux réseaux sociaux.
Le oui a su devenir crédible parce que le non a mené une campagne que ses partisans croyaient gagnée d’avance, parce que le premier ministre écossais a su habilement battre le leader du non dans un débat télévisé fin août, parce qu’à mesure que le oui devient possible, la population se rend compte qu’un autre monde est possible, et qu’ils ont envie d’y croire.
La question sociale, avec une Angleterre vue d’ici comme libérale et une Ecosse plus à gauche, influe-t-elle sur l’évolution des sondages ?
Selon un sondage publié le 9 septembre, seuls les plus de 60 ans sont majoritairement en faveur du non.
Ceux qui vivront demain en Ecosse ne veulent pas d’un avenir tel que celui que prépare le gouvernement conservateur à Londres : privatisations du système de santé (dévolu à l’Ecosse, mais dépendant de la somme allouée à l’Ecosse par le gouvernement britannique), privatisation du système postal (dans un pays où d’immenses zones sont sous-peuplées, ça signifie la fin de l’accès au service postal), éducation de plus en plus onéreuse (les universités sont gratuites en Ecosse) etc.
La montée du oui en Ecosse ressemble par bien des aspects à celles des mouvements tels que les Indignés, Occupy, les manifestations en Islande contre le sauvetage des banques etc., à la fois dans le fond des revendications et dans la forme. Cela s’exprime en particulier par un recours massif aux réseaux sociaux.
La question linguistique est tacitement renvoyée à l'après scrutin
La question linguistique entre-t-elle pour beaucoup dans le débat sur l'indépendance possible de l’Ecosse?
Tout dépend de ce qu’on entend par “question linguistique”. Le document officiel du gouvernement ne prévoit aucun changement de la situation actuelle pour les deux langues de l’Ecosse : un statut officiel (mais surtout symbolique) pour le gaélique, et aucune avancée pour l’écossais ( le Scots).
Le gaélique est parlé par 50 000 personnes environ, l’écossais par 2 millions peut-être, mais dont la majorité estiment qu’ils parlent une forme d’anglais déformé.
En fait, les militants du gaélique comme de l’écossais ont tu leurs revendications linguistiques de peur d’effrayer les électeurs en cas de victoire du oui.
En d’autres termes: “soyons indépendants, on règlera le reste après”. Il est probable qu’en cas d’indépendance rien ne change, d’ailleurs. Et le gouvernement a refusé que les bulletins de vote soient bilingues, anglais et gaélique.
Tout dépend de ce qu’on entend par “question linguistique”. Le document officiel du gouvernement ne prévoit aucun changement de la situation actuelle pour les deux langues de l’Ecosse : un statut officiel (mais surtout symbolique) pour le gaélique, et aucune avancée pour l’écossais ( le Scots).
Le gaélique est parlé par 50 000 personnes environ, l’écossais par 2 millions peut-être, mais dont la majorité estiment qu’ils parlent une forme d’anglais déformé.
En fait, les militants du gaélique comme de l’écossais ont tu leurs revendications linguistiques de peur d’effrayer les électeurs en cas de victoire du oui.
En d’autres termes: “soyons indépendants, on règlera le reste après”. Il est probable qu’en cas d’indépendance rien ne change, d’ailleurs. Et le gouvernement a refusé que les bulletins de vote soient bilingues, anglais et gaélique.
Les efforts pour le gaélique ou l'écossais seront perçus comme une arme de lutte contre les inégalités sociales
Economique, sociologique, linguistique...Il y a beaucoup de diversité en Ecosse parmi les raisons de voter pour l'indépendance (photo XDR)
Pourquoi cette timidité à faire entrer le débat sur les droits linguistiques dans celui sur l’indépendance ?
L’Ecosse a trop besoin de se présenter comme un pays anglophone, pour attirer les investissements étrangers et pour faire venir de la main d’œuvre qualifiée.
Le gaélique est tellement faible qu’il ne menace en rien cet équilibre. Il peut servir comme élément de distinction sur certains marchés internationaux comme le tourisme, ou certains produits comme le whisky, et apporter un gage d’authenticité. On l’utilise de plus en plus pour nommer des cuvées spéciales de whisky par exemple.
Si l’écossais venait à être reconnu, la position dominante de l’anglais serait potentiellement menacée. Or nous savons combien les multinationales n’aiment pas les règlementations linguistiques contraignantes qu’on trouve en Catalogne ou au Pays de Galles.
Ceci étant posé, l’écossais a été très présent dans les débats, à l’écrit comme à l’oral, sur twitter comme dans les affiches ou dessins qui ont fleuri un peu partout.
De nombreux comptes FaceBook ou Twitter, ainsi que de nombreuses pancartes dans la rue, affichent de manière bilingue Yes/Aye, ou No/Naw (ou Nae). De manière intéressante, on a vu émerger des signes d’appartenance au camp du Oui en gaélique (‘Bu chòir"), mais rien pour le côté du non à ma connaissance.
Quoi qu’il en soit, en cas de victoire du Oui, les militants du gaélique comme de l’écossais exigeront que leur contribution à cette victoire soit reconnue, par un surcroît de reconnaissance pour les langues qu’ils défendent.
Et le gouvernement d’une Écosse indépendante prétendant lutter efficacement contre les inégalités sociales ne pourra pas faire l’impasse sur l’enjeu linguistique/langagier à l’école. Il faudra donc prendre en compte, d’une manière ou d’une autre l’écossais, surtout dans les quartiers populaires de Glasgow ou d'Aberdeen.
Pour le oui, voir la vidéo
Pour le non, voir la vidéo
L’Ecosse a trop besoin de se présenter comme un pays anglophone, pour attirer les investissements étrangers et pour faire venir de la main d’œuvre qualifiée.
Le gaélique est tellement faible qu’il ne menace en rien cet équilibre. Il peut servir comme élément de distinction sur certains marchés internationaux comme le tourisme, ou certains produits comme le whisky, et apporter un gage d’authenticité. On l’utilise de plus en plus pour nommer des cuvées spéciales de whisky par exemple.
Si l’écossais venait à être reconnu, la position dominante de l’anglais serait potentiellement menacée. Or nous savons combien les multinationales n’aiment pas les règlementations linguistiques contraignantes qu’on trouve en Catalogne ou au Pays de Galles.
Ceci étant posé, l’écossais a été très présent dans les débats, à l’écrit comme à l’oral, sur twitter comme dans les affiches ou dessins qui ont fleuri un peu partout.
De nombreux comptes FaceBook ou Twitter, ainsi que de nombreuses pancartes dans la rue, affichent de manière bilingue Yes/Aye, ou No/Naw (ou Nae). De manière intéressante, on a vu émerger des signes d’appartenance au camp du Oui en gaélique (‘Bu chòir"), mais rien pour le côté du non à ma connaissance.
Quoi qu’il en soit, en cas de victoire du Oui, les militants du gaélique comme de l’écossais exigeront que leur contribution à cette victoire soit reconnue, par un surcroît de reconnaissance pour les langues qu’ils défendent.
Et le gouvernement d’une Écosse indépendante prétendant lutter efficacement contre les inégalités sociales ne pourra pas faire l’impasse sur l’enjeu linguistique/langagier à l’école. Il faudra donc prendre en compte, d’une manière ou d’une autre l’écossais, surtout dans les quartiers populaires de Glasgow ou d'Aberdeen.
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