
Dans la salle de conférence du Clot Saint-Louis, une des quatre médiathèques de La Seyne-dur-Mer, Andrieu Abbe se fera un plaisir de charrar occitan. Tout comme les afogats du Ceucle Occitan de La Seina, qui l’invitent à conférer sur la transhumance, telle qu’il l’a vécue, entre 1975 et 1990, à pieds, entre Roquebrune et jusqu’au mont Mounier, à près de 3000 mètres. Et quand une dame avoue ne pas tout comprendre, un voisin se penche à son oreille pour traduire l’essentiel.
De cette expérience unique, Andrieu Abbe a tiré des centaines de diapositives, que son fils François, aujourd’hui numérise, avec son association-maison d’édition, Passadoc (Montpellier).
Et acheter le superbe livre qui retrace cette expérience doit permette de poursuivre l’œuvre de conservation restauration de notre mémoire populaire.
« L’amontanhatge à pied, pour les fedas, c’était l’assurance d’une meilleure santé. Pas de choc thermique pour elles de cette façon ». Et puis vivre à la fois la simplicité des bergers marcheurs et la puissance de l’escabòt, devait donner le sentiment à Andrieu Abbe de vivre, et non de lire, les œuvres de Jean Giono.
La transhumance à pied se pratique encore, mais les bergers vivent mal les entraves de l'époque
« Avec les charges sociales, la pression de la société et celle du loup, tout ça est terminé » souligne-t-il. L’occupation anarchique du sol aussi a contraint la transhumance du Var à la Tinée. « En 1975 on dépassait les premiers panneaux : « ici espace de vente ». Depuis, la campagne s’est couverte de villas, les carraires sont souvent barrées par les nouveaux propriétaires, et empêchent les troupeaux de passer. Le droit d’aller et venir avantagerait les pastres, mais qui le fera valoir pour eux ? Les Chambres d’Agriculture le pourraient, encore faut-il qu’elles le veuillent ».
L’ouvrage d’Andrieu Abbe est superbe, 72 pages d’humanité, de vida vidanta, d’histoire populaire. « J’ai privilégié le rapport à l’homme et la réalité de ces marches de quatre jours durant lesquelles les troupeaux se rejoignent, puis se séparent. Je suis allé présenter mes images au magazine Géo. Ils m’ont dit qu’elles manquaient de « peps ».
Les images d’Andrieu Abbe, permettent de suivre ces amontanhatges de juin-juillet, dans tous leurs aspects, et aussi dans toutes leurs péripéties dramatiques. Quand le pastre épuisé s’endort au bord de la route, veillé par l’âne ; ou quand, au-delà de Peone, en altitude, une avalanche emporte la draille, et que le troupeau doit traverser à flanc de montagne plusieurs dizaines de mètres au-dessus du vide…
Le jargon du métier était occitan
Et puis, dans cet ouvrage en français (« avec mes livres précédents, en occitan, j’ai toujours pris le bouillon ! » regrette Andrieu Abbe), le vocabulaire technique reste présent à chaque page, et on l’apprend mine de rien. Il est en occitan : Sonalhas, escabòt , fedas, flocat …et si l’utile se disait en occitan, l’agréable n’était pas en reste. Vous goûterez ainsi avec les bergers la ventresca !