
Car les airs d’opérettes que reprennent, avec batterie et banjo, Moussu T. e lei Jovents, sont le produit d’une demande du public parisien d’alors. Le bonheur de vivre supposé d’ « Entre Marseille et Toulon » que chantait Alibert, fait rêver le populo parisien en 1936. Et ce rêve lui était alors dessiné par des équipes marseillaises.
A Marseille, ce sont les Revues qui attiraient le public. « Et les auteurs y calaient presque toujours une chanson en occitan, car le public le demandait » rappelle Claudi Barsòtti, auteur d’une étude sur le sujet et grand collectionneur de ces enregistrements.
« Pourquoi ne pas s’y essayer à Paris ? C’est ce que dit Henri Alibert au début des années 1930 ». C’est par cette question que le journaliste, et mémoire de la musique marseillaise, Jacques Bonnadier, explique le succès de l’Opérette dite « marseillaise » dans la présentation qu’il fait du double CD de Moussu T. « Opérette).
Scotto, Alibert, Sarvil...

Les films de Pagnol n’ont pas connu un autre destin. Faits pour plaire aux Parisiens, cette image partielle, voire fausse, sera appropriée, à la génération suivante, par les Marseillais, persuadés de se voir – ou de s’entendre - plus vrais que nature.
Alors que vient faire dans ce pastis Moussu T., dont le credo est de remettre l’occitan et le mode de vie populaire provençal maritime au cœur du projet artistique ?
Le groupe, depuis mi-juillet, donne à entendre ces chansons d’opérettes à Avignon, au Kabarouf (1250 chemin des Canotiers, sur l’ïle de Barthelasse – kabarouf@gmail.com et 06 31 38 39 56) avant que de s’y essayer à La Ciotat le 9 août, à St-Cyr le12 septembre, à Port-de-Bouc le lendemain, et le 19 à Marseille Cité de la Musique).
Entre musiques afro américaine et italienne l'opérette marseillaise ?

« Ce qui nous fait créer c’est l’idée que la rencontre est à la base de nos traditions. La lecture de Banjo (le livre beatnik de Claude McKay, écrit dans les années 1920, ndlr) nous a profondément marqué et nous cherchons les traces de cette rencontre entre musique afro-américaine, chanson napolitaine et marseillaise. »
« L’opérette marseillaise c’est la rencontre avec le jazz, et le choix de nos chansons, dans le répertoire assez énorme de l’opérette marseillaise, a été marqué par ce désir de recherche de ce rêve marseillais. Cette recherche remonte en fait aux fondamentaux de Massilia Sound Systèm. »
Dès la première K7 audio autoproduite du groupe, qu’avait aussi créé Tatou, en 1989, on trouve « Zou un peu d’aïoli ». Et, plus ou moins, chaque CD de Moussu T. rendra hommage à l’œuvre de Scotto. « Forever polida », « A La Ciotat » (Mademoiselle Marseille) ou « A La Ciotat – part.2 » (Home Sweet Home) en sont des exemples.
Tradition marseillaise réappropriée après exposition à Paris...

Tatou n’exclut pas d’ailleurs d’aller voir, plus loin dans le temps, ce qu’il en est des chansons en occitan des Revues marseillaises. Mais à chaque année suffit sa peine. Et s’il valorise actuellement un répertoire concocté pour le public parisien des années 1930, Moussu T. s’en délecte avec un sourire en coin.
« Cela nous renvoie une image réappropriée de notre tradition. Elle était déjà cosmopolite, et le fait qu’elle ait été alors portée d’abord vers l’universel – c’est-à-dire à l’époque à Paris – pour coller ensuite à ce que les Marseillais imaginaient être, c’est un processus qui fait la nique aux idées de pureté. Et en fait, ça, ça me plaît bien ! » s'amuse Tatou.
