La Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’Òc vivra un moment démocratique inédit samedi à Toulouse. A l’occasion de son Assemblée Générale annuelle l’élection du Conseil d’Administration aura lieu avec deux candidats, Nicolau Rei Bèthvéder se présente en effet contre Yan Lespoux, président de la Felco depuis 2017 et candidat à sa réélection.
En fait huit membres du CA seront élus, et au total celui-ci en compte une vingtaine, un chiffre mouvant en fonction des circonstances et surtout du nombre de volontaires.
L’association elle-même membre de la Flarep, c’est à dire de la fédération des enseignants de langues minoritaires en France, a traditionnellement un rôle de négociation auprès du ministère de l’Education.
Cette nouvelle situation doit sans doute beaucoup à la tension qui prévaut depuis un an entre les professeurs d’occitan-langue d’oc et leur ministre Jean-Michel Blanquer, auteur de la plus forte saignée pratiquée depuis des décennies dans le système d’enseignement de l’occitan.
Quant aux deux candidats, leurs différences biographiques peuvent partiellement expliquer le fait que la candidature unique ne soit plus la norme. Yan Lespoux est enseignant chercheur, Gascon attaché à l’Université Paul Valéry de Montpellier, Nicolau Rei Bèthvéder également Gascon est enseignant dans le secondaire.
Pour le reste, il faut s'intéresser à leurs programmes et positionnements, tels qu’ils nous les ont transmis, et ainsi qu’ils ont répondu à nos questions complémentaires. Alors apparaitront-ils si différents ?
Relation avec l’Administration
Yan Lespoux entend poursuivre le travail d’approche et de négociation avec le Ministère. Actuellement celle ci est au point mort, le ministre et ses collaborateurs sont aux abonnés absents. M. Lespoux propose donc d’en appeler à la Flarep et d’engager le combat avec les autres minorités linguistiques dans l’enseignement.
Nicolau Rei Bèthvéder se propose de faire entrer plus franchement la Felco dans l’univers politique et d’en appeler aux élus locaux pour porter les revendications concrètes aux Rectorats, notamment en matière d’heures d’enseignement supprimées.
Pan occitanité et équilibres régionaux
Les deux candidats affirment vouloir travailler à l’égalité de chances et de traitement de toutes les régions occitanes. La question n’est pas anodine, car les deux régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie bénéficient d’une convention avec l’Etat au sein de l’Office Public de la Langue Occitane, et mutualisent une grande partie de leurs moyens, dont sont de fait exclues Auvergne et Provence Alpes Cote d’Azur, mais aussi les départements d’Ardèche et de la Drôme, attachées à la grande région Lyonnaise.
Yan Lespoux dit vouloir rechercher en toute chose l’égalité de traitement par les collectivités de toutes les régions concernées, et se base sur le travail actuel du CA, qui milite pour le renforcement des moyens éducatifs en particulier en Auvergne, parent pauvre des régions d’Oc en matière d’enseignement. Il s’appuie sur la relation établie avec les présidents de Région pour réclamer cette égalité, et affirme avoir convaincu la présidente d’Occitanie Carole Delga de s’en faire le porte parole près l’Etat.
Nicolau Rei Bèthvéder militera, dit-il pour un système de ligne budgétaire autonome de tout Rectorat réservée à l’enseignement de la langue d’oc, hors les dotations globales de fonctionnement, à l’image de ce qui vient d’être obtenu de haute lutte en Région Occitanie du Rectorat de Toulouse. Lui aussi souhaite que la Felco milite auprès des élus pour créer un rapport de force à ce sujet avec les Rectorats, de Nice à Bordeaux. Il souhaite travailler au recrutement-formation de nouveaux militants dans toutes régions.
Fonctionnement démocratique de la Felco
Yan Lespoux veut parfaire le travail déjà entamé, d’équilibre entre les élus de différentes régions au sein du CA de la Felco. Il souligne un problème de fond selon lui, la sous représentation des enseignants du premier degré au sein de la Felco, et travaillera à l’améliorer. M Lespoux suivra le mode de représentation élective que les statuts à discuter lors de l'AG choisiront : pour l'heure il s'agit d'une élection annuelle avec renouvellement d’un tiers, tout en protégeant la représentation assurée d’associations proprement régionales, et cite l’Aeloc (Provence) comme le Creo Languedoc, afin d’assurer la diversité de sensibilités.
Nicolau Rei Bèthvéder modifierait profondément le mode électif puisque l’intégralité du CA serait renouvelé à l’occasion de l’AG annuelle, qui serait organisée chaque année dans une région différente. Mais le bureau, de six membres, serait lui aussi élu de manière directe via l’AG. L'expertise du CA sera réclamée. Il souhaite créer une règle de parité de la représentation hommes-femmes. Il propose enfin une franche implication dans les réseaux sociaux, et le lancement d'événements populaires reliant toute les régions.
Notre méthode
Nous nous devons de rechercher des opinions contradictoires (quand elles veulent bien s’exprimer en temps voulu), et dans le cas de la Felco, nous avons essayé de travailler à un équilibre des modalités d’expression de l’un et l’autre candidat. Le travail de traduction et adaptation de leur discours en français pourrait ne pas convenir à l’un ou l’autre, nous l’avons réalisé avec honnêteté et dans un temps infiniment court, contraint par l’envoi de notre lettre hebdomadaire.
Nous avons choisi de présenter en pièce jointe les documents envoyés par l’un et l’autre, et devons souligner que l’un des deux candidats, Yan Lespoux, a connu des difficultés particulières télématiques, dues à ce qu’il est convenu d’appeler la “fracture numérique” touchant les régions rurales. Quant à Nicolau Rei Bèthvéder, c'est la communication téléphonique lors d'explications complémentaires qui a flanché.
Pour décider de l’ordre d’expression de l’un et l’autre nous avons simplement tiré à pile ou face. Et nous avons respecté l'ordre inverse pour ce qui est de la présentation des pièces jointes.
Les deux candidats peuvent joindre la rédaction en cas de contestation des résumés proposés à nos lecteurs. Nous leur demandons de tenir compte du fait que nous sommes en phase de bouclage du mensuel de février.
Nous souhaitons qu’au delà de l’élection de samedi, une Felco rassemblée s’avère combative, car nous rejoignons l’un et l’autre candidat sur ce diagnostic : jamais l’enseignement de notre langue occitane n’avait été à ce point attaquée par un projet gouvernemental.