
C’est peut-être pourquoi Dante, dans l’Enfer, ne le cite pas, le trouvant mièvre, alors qu’il y parle d’autres poètes occitans. En tout cas Miquèla Stenta soupçonne que c’est la raison de cet effacement. Elle a récemment publié un « Bernart de Ventadorn – poèta de l’amor », en français.
Miquèla Stenta, professeure languedocienne de langue et culture occitane, a déjà publié chez divers éditeurs des études sur les valeurs de la société médiévale occitane, et en particulier « Cortesia ». Nous avons déjà commenté ses ouvrages : Femnas e Dòmnas occitanes des XIIè et XIIIè siècles, et Larguesa un art du don dans l’Occitanie médiévale (Aquò d’Aquí 249 et 243)
De Bernart de Ventadorn, nous ne connaissons rien de certain. Sa Vida connaît trois versions, on n’est sûr d’aucune. En revanche, c’est une satire de son confrère Pèire d’Alvèrnhe, qui nous apprend qu’il fut le fils d’un serviteur et d’une boulangère du château de Ventadorn, où ses dispositions l’ont sans doute fait remarquer du seigneur local.
Auteur à succès au XIIè siècle...et depuis

Loin des poètes du trobar clus aux compositions à sens obscur, celles de Bernart de Ventadorn sont accessibles. Il dit ses sentiments, et ses tourments, ou ses joies, qui peuvent être les nôtres. C’est surement ce qui nous le rend proche sans efforts.
De son vivant, à la fin du XIIè siècle, il fut sans doute déjà un auteur à succès. Car si l’on a gardé un bon nombre de ses pièces, c’est qu’il fut assez connu et demandé pour que les copistes multiplient les exemplaires de son œuvre.
Mais chantait-il lui-même ? Miquèla Stenta ne le pense pas. Sans doute le fît il à ses débuts, puis il s’adressa à de bons interprètes, se contentant de composer. Il sacrifiait ainsi à la convention du temps ; une Cour digne de ce nom se devait d’entretenir un troubadour de renom.
L’ouvrage de Miquèla Stenta propose des notices biographiques des troubadours les plus connus, et quelques textes représentatifs de l’œuvre de Bernart de Ventadorn.
Nous pourrons retenir de celui-ci l’adresse à la Provence qu’il compose, dans un texte d’adieu à Ventadorn. Le troubadour a perdu le soutien de son seigneur, peut-être jaloux, et se projette dans son avenir, qui sera fatalement ailleurs : « en Proença tramet joís e saluts / e mai de bens qu’òm non lor sap retraire ».
Miquèla Stenta - Bernart de Ventadorn – poèta de l’amor ; éditions de l’Esperluette (Le Loubanel – 19260 Treignac et dborzeix@gmail.com ) avec l'aide du Cirdoc, 90p. 10€.