
Le résultat, ce sont ces boîtes de béates, les béatiho, touchantes saynètes représentant la prière des nonnes, santons voilés entourés d’objets miniatures : un vase, des pantoufles, un chandelier…Ces boîtes, dont la fabrication a été abandonnée vers la fin du XIXè siècle, sont visibles aujourd’hui dans deux musées, celui de Pont-St-Espri t (30) et le Museon Arlaten (13) où Guylaine Renaud l es a découvertes. C’était en 2009, la chanteuse avait proposé au Musée d’illustrer dix objets présenté par celui-ci, au moment où il fermait ses portes pour cause de rénovation de longue durée. Parmi les dix, des Béatiho.
Trois ans plus tard l’artiste qui se définit comme « trobairitz et ethnomusicienne » triomphe aux Joutes Musicales de Correns, avec Benat Achiary (avec Gérard Siracusa aux percussions, Dominique Regef à la vieille et au violoncelle). Ce compositeur basque est un improvisateur, dont les longues notes vibrantes hispanisent une musique qui, ça tombe bien, doit tout aux textes de Thérèse d’Avila, propagandiste de l’ordre des carmélites, et à ceux de son confesseur, le poète Jean Lacroix.
Thérèse d’Avila s’accompagnait probablement d’un tambourin pour ce qui était de la musique populaire

Pendant que, sur la scène de Correns, les diapositives montrant ces Béatiho étaient projetées derrière les musiciens, Benat Achiary et Guylaine Renaud mettaient beaucoup d’énergie le 30 mai dernier à chanter Pastores que veláis, un des textes en castillan de Thérèse d’Avila accompagné de percussions entêtantes et d’une vielle à roue qui l’était tout autant. Puis, justement accompagnée au tambourin, Guylaine Renaud a chanté en provençal une de ses compositions, aux accents de marche : « Lei Monialas », qui raconte ce qu’était la journée de ces moniales : « se recampan leis monialas, sèt còps per jorn dins lo còr per cantar… ».
Avec cette musique contemporaine, mêlée de baroque, le groupe propose un objet musical à la fois recueilli et plein d’énergie, à partir de ces textes mystiques. « La musique religieuse n’est pas vraiment ma musique de chevet » nous dit Guylaine Renaud, « mais mes compositions devaient coller à ce que ces textes me commandaient. Quand il s’agit d’une prière à Marie, il faut que cela soit limpide, afin que ça puisse s’élèver. Pour le reste, nous somme dans le registre des « musiques du monde » où les genres s’enchevêtrent et où les artistes subissent toutes les influences ».
Belles voix, beau travail de studio et bel engagement d’une équipe

Sans public, Guylaine Renaud y est encore plus recueillie que sur scène, la musique y bénéficie d’un remarquable travail de studio, réalisé en partie au Chantier de Correns, en partie au pays Basque, par Thibault Verdron et l’Autre Studio (77).
Les textes en castillan et occitan n’ont pas été traduits en français dans le livret. Un choix assumé par l’éditeur lors d’un débat après le concert de Correns. Les traductions de Thérèse d’Avila seraient disponibles aisément sur internet…Mais pourquoi proposer un livre à un public francophone sans lui permettre directement d’entrer dans les textes proposés ? S’il s’agissait d’une question de coût les soutiens publics de la production (Conseil Généraux 13 et 83, avec le Conseil Régional Paca) ne pouvaient-ils aider l’éditeur à l’assumer ?
Nonobstant, ce petit livret et sa musique sont beaux. A l’image des béatiho qu’il montre et qui l’inspirent. Et de son succès pourrait dépendre l’engagement d’Actes Sud sur d’autres projets de ce type. Nous savons qu’il faut à peu près mille trois cents exemplaires vendus pour que cet éditeur rentre dans ses frais. Et qu’au-delà il serait peut-être convaincu de faire profiter d’autres artistes de son savoir-faire.