Les médias français ont un mal certain à appréhender la réalité de la situation politique catalane d’Espagne. Avec, disons-le, une tour Eiffel en tête, les journalistes de la télévision hexagonale, en général, plaquent une conception française sur une réalité catalane.
Indépendance ou renouvellement du Parlement
9 novembre 2014, la consultation qui lance le processus pour l'autodétermination (photo MN)
Les terribles événements de la Rambla de Barcelone nous l’avaient montré. Il a fallu plusieurs jours à nos confrères pour découvrir que la force d’investigation policière déterminante dans la neutralisation de la bande terroriste s’appelait « Mossos d’Esquadres », une police proprement catalane, qui plus est à qui Madrid refusait l’accès au système d’information européen Europol.
Le processus référendaire pour l’autodétermination catalane qui a mobilisé ce mercredi 6 septembre le Parlement Autonome de Catalogne pourrait aussi ne pas être compris. Aussi nous essayons de clarifier ce qui se joue outre Pyrénées.
Le Parlement Catalan a, ce mercredi, décidé d’officialiser le vote qui, le premier octobre, pourrait déboucher sur une indépendance auto-proclamée de ce pays. La Catalogne, aujourd’hui, se reconnait comme nation, et non comme une Région, ainsi que la nomment les médias français.
72 députés ont voté cette disposition, alors que 11 s’abstenaient. Si le « non » est anecdotique, 52 députés ont toutefois refusé de voter : tant à la droite la plus droitière, le Parti Populaire, qu’au Parti Socialiste.
La majorité pour le « oui » au Référendum n’exprime donc pas toute la société catalane. Et si on peut s’attendre, au soir du 1er octobre, à une victoire indépendantiste formelle, l’abstention, qui aura largement valeur de « non », sera sans doute forte.
Les Catalans de 18 ans et plus voteront, mais aussi les Catalans non espagnols. Ceux qui se sont inscrits sur une liste des « Catalans de l’extérieur ». Nous en aurons en Provence.
En cas de victoire du « oui », probable, le 1er octobre, l’indépendance sera proclamée au Parlement Catalan deux jours après la proclamation officielle des résultats. Si le « non » devait l’emporter, le désaveu populaire de la majorité actuelle conduirait à des élections pour le renouvellement du parlement autonome.
Le processus référendaire pour l’autodétermination catalane qui a mobilisé ce mercredi 6 septembre le Parlement Autonome de Catalogne pourrait aussi ne pas être compris. Aussi nous essayons de clarifier ce qui se joue outre Pyrénées.
Le Parlement Catalan a, ce mercredi, décidé d’officialiser le vote qui, le premier octobre, pourrait déboucher sur une indépendance auto-proclamée de ce pays. La Catalogne, aujourd’hui, se reconnait comme nation, et non comme une Région, ainsi que la nomment les médias français.
72 députés ont voté cette disposition, alors que 11 s’abstenaient. Si le « non » est anecdotique, 52 députés ont toutefois refusé de voter : tant à la droite la plus droitière, le Parti Populaire, qu’au Parti Socialiste.
La majorité pour le « oui » au Référendum n’exprime donc pas toute la société catalane. Et si on peut s’attendre, au soir du 1er octobre, à une victoire indépendantiste formelle, l’abstention, qui aura largement valeur de « non », sera sans doute forte.
Les Catalans de 18 ans et plus voteront, mais aussi les Catalans non espagnols. Ceux qui se sont inscrits sur une liste des « Catalans de l’extérieur ». Nous en aurons en Provence.
En cas de victoire du « oui », probable, le 1er octobre, l’indépendance sera proclamée au Parlement Catalan deux jours après la proclamation officielle des résultats. Si le « non » devait l’emporter, le désaveu populaire de la majorité actuelle conduirait à des élections pour le renouvellement du parlement autonome.
Madrid ne renoncera pas à la tirelire catalane, qui permet d'alimenter la corruption
Le cas particulier de la Vath d’Aran doit être souligné. Région montagneuse frontalière, sa langue est occitane, l’aranès. Environ 40% d’une population de 7000 habitants l’emploie au quotidien. Elle est, en Catalogne, langue officielle depuis 2014. D’ailleurs les bulletins de vote seront rédigés en castillan, catalan et occitan sur tout le territoire de la Généralité de Catalogne.
Or, une semaine après le référendum, en cas de victoire du « oui », les Aranais, qui auront voté comme tout le monde, seront conviés à nouveau à s’exprimer : souhaitent-ils eux-mêmes accompagner le destin d’une Catalogne indépendante ou pas ? Il y a tout juste un an, les Aranais avaient en effet voté à 65% pour des partis opposés à l’indépendance, lors des élections au Parlement Espagnol.
Pourquoi les Catalans souhaitent-ils majoritairement – en théorie – se séparer de l’Espagne ?
Conquise par le feu et le fer en 1714 par les Bourbons (avec l’aide de Louis XIV), la Catalogne est aujourd’hui, avec le Pays Basque, la région la plus dynamique d’Espagne sur le plan économique. Les Catalans, qui se sentent brimés et humiliés par les autorités espagnoles, mais souvent aussi par les Espagnols eux-mêmes, ont le sentiment qu’ils sont la vache à lait d’un système pervers : la Catalogne participe au produit intérieur brut de l’Espagne à proportion de 23%, et n’en voit revenir qu’un peu plus de la moitié. Nous n’avons jamais entendu de plainte concernant leur participation au développement de régions moins développées. En revanche les critiques fusent facilement sur le fait qu’ils contribuent malgré eux à un système de corruption politique généralisé : les voyages privés de députés Andalous aux Canaries les fins de semaine, les aéroports vides construits au milieu de rien pour enrichir les sociétés du BTP…La presse espagnole, élément sérieux de la société, enquête sans relâche sur ces errements érigés en système.
Sur cela, le Tribunal Constitutionnel Espagnol, gardien de la Constitution du pays, depuis 2008-2010, s’attaque aux droits culturels des Catalans. Ces années sont aussi celles du début d’une crise économique violente en Espagne. Ainsi en 2010, le TCE a-t-il fait obligation à la Généralité de Catalogne, de financer à hauteur de 6000€ chaque famille demandant que son enfant soit scolarisé en langue castillane, en Catalogne même. Car le catalan est ici langue d’enseignement dans le système éducatif public. Cette possibilité, que seules quelques centaines de familles ont saisi, a été ressentie comme une volonté d’humiliation manifeste, et a jeté un million de Catalans dans la rue en juillet 2010. C’est probablement à ce moment-là, pour de nombreux Catalans, que l’idée d’indépendance est apparue comme l’unique solution pour obtenir le respect exigé de Madrid.
La Loi référendaire, elle adoptée au Parlement catalan voici quelques semaines, garde la possibilité aux Catalans de demain, de rester Espagnols. La double nationalité leur est en effet garantie par ce texte, quand ils le souhaitent.
Mais que fera Madrid ? On imagine mal l’Etat renoncer à ce qui est manifestement la source de financement majeure de l’Espagne. Celle-ci a accordé au Pays Basque, une disposition particulière ; l’Euskadi voit revenir presque intégralement le produit de l’impôt versé à l’Etat. Etat qui a refusé cette disposition aux Catalans.
Aujourd’hui la justice espagnole règle seule le débat politique auquel l’Etat se refuse. Ainsi, mardi, l’ex président catalan Artur Mas et quatre autres responsables reconnus et assumés d’une consultation jugée illégale en novembre 2014, ont-ils été condamnés à une amende de 5,2 M€, et à la confiscation de leurs biens. Un avertissement pour l’actuel président Carles Puigdemont, ou la présidente du Parlement, Carme Forcadell, responsables légaux du vote d’autodétermination.
L’Etat fait confisquer les bulletins de vote dès la sortie des imprimeries, et des escouades de volontaires se forment pour s’opposer physiquement à la confiscation des urnes ; elle sera probablement ordonnée par l’Etat le 1er octobre prochain.
Qu’observons-nous sur place quand nous y enquêtons auprès de la population ? Celle-ci est partagée ; les plus jeunes électeurs se montrent enthousiastes. Enfin une occasion – unique – de prendre son destin en mains ! Les trentenaires rencontrés, eux, souvent, viennent de rentrer d’un exil forcé par la crise de 2008, ou ont passé toutes ces années de petits boulots en travaux partiellement au noir. Ecoeurés, ils estiment que le libéralisme est l’ennemi, et la question nationale secondaire.
Plus divisée que ne le laissent voir les manifestations monstres des indépendantistes, la société catalane, quel que soit le résultat du vote d’autodétermination, devra relever un défi après ce scrutin. Il lui faudra assurer la continuité d’un esprit porté au vivre ensemble, et à la valorisation du respect de l’autre.
Or, une semaine après le référendum, en cas de victoire du « oui », les Aranais, qui auront voté comme tout le monde, seront conviés à nouveau à s’exprimer : souhaitent-ils eux-mêmes accompagner le destin d’une Catalogne indépendante ou pas ? Il y a tout juste un an, les Aranais avaient en effet voté à 65% pour des partis opposés à l’indépendance, lors des élections au Parlement Espagnol.
Pourquoi les Catalans souhaitent-ils majoritairement – en théorie – se séparer de l’Espagne ?
Conquise par le feu et le fer en 1714 par les Bourbons (avec l’aide de Louis XIV), la Catalogne est aujourd’hui, avec le Pays Basque, la région la plus dynamique d’Espagne sur le plan économique. Les Catalans, qui se sentent brimés et humiliés par les autorités espagnoles, mais souvent aussi par les Espagnols eux-mêmes, ont le sentiment qu’ils sont la vache à lait d’un système pervers : la Catalogne participe au produit intérieur brut de l’Espagne à proportion de 23%, et n’en voit revenir qu’un peu plus de la moitié. Nous n’avons jamais entendu de plainte concernant leur participation au développement de régions moins développées. En revanche les critiques fusent facilement sur le fait qu’ils contribuent malgré eux à un système de corruption politique généralisé : les voyages privés de députés Andalous aux Canaries les fins de semaine, les aéroports vides construits au milieu de rien pour enrichir les sociétés du BTP…La presse espagnole, élément sérieux de la société, enquête sans relâche sur ces errements érigés en système.
Sur cela, le Tribunal Constitutionnel Espagnol, gardien de la Constitution du pays, depuis 2008-2010, s’attaque aux droits culturels des Catalans. Ces années sont aussi celles du début d’une crise économique violente en Espagne. Ainsi en 2010, le TCE a-t-il fait obligation à la Généralité de Catalogne, de financer à hauteur de 6000€ chaque famille demandant que son enfant soit scolarisé en langue castillane, en Catalogne même. Car le catalan est ici langue d’enseignement dans le système éducatif public. Cette possibilité, que seules quelques centaines de familles ont saisi, a été ressentie comme une volonté d’humiliation manifeste, et a jeté un million de Catalans dans la rue en juillet 2010. C’est probablement à ce moment-là, pour de nombreux Catalans, que l’idée d’indépendance est apparue comme l’unique solution pour obtenir le respect exigé de Madrid.
La Loi référendaire, elle adoptée au Parlement catalan voici quelques semaines, garde la possibilité aux Catalans de demain, de rester Espagnols. La double nationalité leur est en effet garantie par ce texte, quand ils le souhaitent.
Mais que fera Madrid ? On imagine mal l’Etat renoncer à ce qui est manifestement la source de financement majeure de l’Espagne. Celle-ci a accordé au Pays Basque, une disposition particulière ; l’Euskadi voit revenir presque intégralement le produit de l’impôt versé à l’Etat. Etat qui a refusé cette disposition aux Catalans.
Aujourd’hui la justice espagnole règle seule le débat politique auquel l’Etat se refuse. Ainsi, mardi, l’ex président catalan Artur Mas et quatre autres responsables reconnus et assumés d’une consultation jugée illégale en novembre 2014, ont-ils été condamnés à une amende de 5,2 M€, et à la confiscation de leurs biens. Un avertissement pour l’actuel président Carles Puigdemont, ou la présidente du Parlement, Carme Forcadell, responsables légaux du vote d’autodétermination.
L’Etat fait confisquer les bulletins de vote dès la sortie des imprimeries, et des escouades de volontaires se forment pour s’opposer physiquement à la confiscation des urnes ; elle sera probablement ordonnée par l’Etat le 1er octobre prochain.
Qu’observons-nous sur place quand nous y enquêtons auprès de la population ? Celle-ci est partagée ; les plus jeunes électeurs se montrent enthousiastes. Enfin une occasion – unique – de prendre son destin en mains ! Les trentenaires rencontrés, eux, souvent, viennent de rentrer d’un exil forcé par la crise de 2008, ou ont passé toutes ces années de petits boulots en travaux partiellement au noir. Ecoeurés, ils estiment que le libéralisme est l’ennemi, et la question nationale secondaire.
Plus divisée que ne le laissent voir les manifestations monstres des indépendantistes, la société catalane, quel que soit le résultat du vote d’autodétermination, devra relever un défi après ce scrutin. Il lui faudra assurer la continuité d’un esprit porté au vivre ensemble, et à la valorisation du respect de l’autre.
Nos lecteurs catalans complètent cet éditorial par leurs informations
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Elena : "Le Tribunal Constitutionnel Espagnol a également annulé la taxe bancaire que la Generalitat avait adopté dès 2008, et qui devait permettre à la Catalogne de compenser partiellement la baisse des dotations d'Etat aux provinces autonomes. Un moyen de plus d'empêcher la croissance en Catalogne."
Rosa-Maria : "A la demande du Partido Popular, le TCE a, en 2010, amoindri les droits contenus dans le statut d'autonomie de la Catalogne".
Elena : "Le Tribunal Constitutionnel Espagnol a également annulé la taxe bancaire que la Generalitat avait adopté dès 2008, et qui devait permettre à la Catalogne de compenser partiellement la baisse des dotations d'Etat aux provinces autonomes. Un moyen de plus d'empêcher la croissance en Catalogne."
Rosa-Maria : "A la demande du Partido Popular, le TCE a, en 2010, amoindri les droits contenus dans le statut d'autonomie de la Catalogne".