« Es acabat lo temps que los pastres varlets eran paiats ambé de regardelas , lo manjar, lo burre, lo durmir dins la feniera dau jaç, un pareu de braias per Noè, un pareu de chaussuras per la Sant-Jan, quauques francs per lo vòt, pas mai. Avura los obriers pastres an tant de drechs coma los autres salariats »
On trouve cette phrase dans une de ces chroniques paysannes dont Andrieu Abbe a régalé durant vingt ans les lecteurs de l’Agriculteur Paysan. Il défendait dans ce texte le dur labeur des bergers, soumis aux attaques de loups, et occasionnellement aux propos injurieux de certains écologistes.
Cette humanité a sans doute bien compté pour le succès d’une soirée qu’organisait le Cep D’oc, vendredi dernier près de l’Ostau de Provença, à Aix. La salle du ColOc, qui l’accueillait, était pleine. Il y menait un débat sur le thème « filmer la tradition est-ce la trahir ? » Et la dégustation de vins de terroir qui a suivi n’explique pas seule un tel engouement
De l'Australie aux alpages

Andrieu Abbe venait aussi à Aix pour faire connaître son dernier ouvrage, « De la tèrra a la tèrra », dont l’encre n’est pas encore tout à fait sèche. Aidé par l’IEO 04-05, l’Espaci Occitan deils Aups et la Région Paca, ce court recueil de chroniques de la terre transpire de l’humanité de ses personnages, qu’Abbe aille les peindre au fin fond de l’Australie des bergers, ou au cœur de nos alpages où triment les pastres du pays, confrontés à de multiples problèmes.
Tout ce qui regarde l’agriculture et ses serviteurs passe par ces 135 pages de provençal, agencé par un qui parle « la lenga dau breç », un locuteur naturel qui adore voyager à la rencontre de l’autre, confronter les façons de vivre, les manières de penser.
En provençal et en occitan alpin
Et il roumègue contre l’impossibilité de devenir paysan sans s’endetter à trente ans pour le reste de ses jours, sans être confronté à l’urbanisme qui mange les meilleures terres, et soumis à l’indifférence de la société qu’il faut nourrir.
Le provençal d’Andrieu Abbe, qui est souvent de l’occitan alpin ainsi que le texte cité plus haut, se rit des reconstructions de la langue, tentées dans les bureaux poussiéreux. Le sien il le puise dans ce qu’il a entendu de la dernière génération qui le parlait tous les jours, et pour tout exprimer. C’est pourquoi beaucoup pourront y puiser une langue alerte, qui ne s’use que si l’on ne s’en sert pas !
