“Alors il y a de l’anglais partout sans réactions des pouvoirs publics, mais nous devrions dénigrer notre langue provençale et la jeter au fossé !?” Pierre Gabert, le maire de Pernes-les-Fontaines n’est pas content du tout. Comme dans environ soixante communes du Vaucluse, voici les services départementaux de la Voirie qui projettent d’ôter les panneaux d’entrée de sa ville en provençal
Raison invoquée, une loi de 1967 qui ferait obligation de réserver au français et à la simple indication du nom de la commune les panneaux d’entrée.
Le président (UMP) du Conseil Départemental et ex maire de Gordes, Maurice Chabert, tente maintenant de désamorcer la bombe qu’il a fabriquée.
Voici ce qu’il dit à nos confrères de l’hebdomadaire Le Point : " on n'a jamais spécifiquement demandé de retirer les panneaux en provençal...Il n'est pas question de le supprimer" Toutefois les panneaux en provençal seront bien ôtés, comme tous les autres qui, éventuellement, perturberaient la bonne compréhension des automobilistes. Pas spécifiquement, mais ôtés tout de même.
A l’heure des GPS et autre cartographies interactives sur l’internet embarqué, on croit rêver. Les codes graphiques du provençal employé dans le Vaucluse rendent les deux versions, la française et la provençale, quasi identiques. Alors quelle mouche a piqué le président Chabert ?
Réaction prochaine des groupes régionalistes
Le règlement de 1967, précisé par un arrêté de 2008, dit que “tous panneaux, indications, signaux ou affiches non conformes aux dispositions du présent article devront être supprimés à l'expiration des contrats intervenus avec les annonceurs et au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.”
Onze ans plus tard, néanmoins, aucun procès n’est en cours pour cette raison.
Jean-Claude Roux, le président de l’Oustau de la Culturo Prouvençalo d’Avignon, et fondateur de l’association Parlaren à la fin des années 1970, nous donne sa version : “Un ingénieur du CD84 aura voulu faire du zèle, appliquer une réglementation désuète, et nous voilà bien !”
L’ensemble des quinze groupes Parlaren de Vaucluse écrivent d’ailleurs ces jours-ci au président du CD84, et à chacun des conseillers départementaux, comme à tous les maires du département, leur opposition au projet d’enlèvement. “Nous sommes début août, le pire moment pour mobiliser, mais bientôt nous ferons appel aux groupes du Félibrige en Provence, et avec les bonnes relations entretenues avec l’IEO 84 nous pensons nous faire clairement entendre des pouvoirs publics départementaux."
Depuis le début de l’affaire révélée par nos confrères de France Bleu Vaucluse, le 5 août, la plupart des journalistes sollicitent l’avis des leaders du Collectif Prouvènço, une association née en 2000 à laquelle la pose des panneaux de ville en provençal ne doit réellement rien. “Ils ont une bonne communication, nous non!” souligne JC Roux : “une radio m’a même questionné, pensant que j’en étais!”.
Déplacer d'un mètre ?
La vérité c’est qu’avant même la pose du premier panneau bilingue en Vaucluse, en 1980 par le maire de Velleron, Robert Rouch, une campagne de Parlaren avait décidé plus d’un édile à suivre cet exemple. Une soixantaine de communes à l’heure actuelle affichent leur provençalité de cette manière dans le Vaucluse.
“Maurice Chabert n’est pas le seul à ôter les panneaux en provençal, le maire d’Orange a fait de même depuis longtemps, mis à part un seul rescapé, sur la route de Roquemaure” relativise Bernat Vaton, le président fondateur de la Calandreta d’Orange.
D’autres au contraire n’envisagent pas l’effacement du provençal sur les panneaux, ainsi de la Commune d’Avignon, où “de toutes façons les panneaux sont sur les routes nationales, et donc échapperont au CD84”, reprend Jean-Claude Roux. La ville a nommé une conseillère municipale déléguée à la langue et culture régionale, Françoise Cipriani, et les associations y préparent sereines la Semaine Provençale de début octobre...Félibres et IEO de concert.
Plus loin, dans l’Hérault, le maire de Villeneuve-les-Maguelonne, Nöel Segura, en 2010, avait vu ses panneaux d’entrée de ville contestés au Tribunal Administratif de l’Hérault, car rédigés en languedocien. Un “libre penseur” local avait estimé que seul le français pouvait être entendu par tout un chacun, et l’affaire avait duré trois ans, pour que finalement en cassation, le droit de la commune soit reconnu.
Finalement, l’absence de droits clairement attribués aux langues minoritaires en France reste le problème de fond en la matière. L’article 75.1 de la Constitution pose bien que celles-ci font partie du patrimoine national, mais les juges s’en rient depuis l’origine, en 2008.
Aussi, tout un chacun peut contester le fait qu’on note “Avignoun” à côté d”Avignon”, au risque du ridicule pour le plaignant.
Avec un certain humour, Mireille Benedetti, conseillère régionale et communale à La Ciotat, suggère aux maires Provençaux de “poser les panneaux en langue régionale à un mètre plus loin, assortis d’une présentation de leur commune en langue régionale”.
Nos interlocuteurs cependant, estiment en général qu’une initiative législative claire et nette en la matière réglerait définitivement le problème dans le sens du respect des identités régionales. Mais le pouvoir d’Etat en France n’a jamais fait montre de ce genre de volonté.