Je reviens de Haute-Provence, de lieux à peu près secrets qui savent garder leur mystère, entre Lure et Luberon. J’y fréquente régulièrement une doline, qui ne figure sur aucune carte. Là, voici 1500 ans, vivait un ermite, dont la toponymie provençale garde de nombreuses traces.
Notre langue occitane a besoin de sortir de l'anonymat et des conversations de gré à gré. Elle doit se faire entendre publiquement
Accueilli par les bouviers du village voisin de sa grotte élevée, il convainquit un dragon d’aller se noyer dans la Durance, non loin, afin que les troupeaux soient protégés, et l’avenir de cette société possible.
Seul le lierre y tient un vestige de tour, de nos jours. Une niche dans la paroi rocheuse abritait les cendres du saint. Au-dessus, en signe de dévotion, des anonymes déposent encore des statuettes de mie de pain, ou quelques branchettes tressées. Je ne peux laisser passer une année sans m’y rendre, et y demeurer en silence respectueux.
J’estime que nous sommes environ quatre mille à cinq mille à connaître ces lieux, et à ne jamais révéler publiquement où ils se trouvent. Je n’y emmène que des personnes de confiance. Moi qui voue ma vie au partage le plus large des connaissances que j’acquiers au jour le jour, je refuse de dévoiler à tous mon modeste Acropole.
Notre langue occitane, notre provençal, notre niçois ou notre alpin d’oc, nous le cachons aussi, généralement. A force de ne pouvoir l’employer dans la rue, de rencontrer méfiance ou hostilité, nous l’intégrons comme une partie sacrée de nous-mêmes. Notre temple ne connait ni pierre ni tuiles, il est entièrement immatériel.
Nous nous réunissons donc entre adeptes. Ah ! la cérémonie n’est pas triste. Si vous passez par notre « Café provençal », à Aix-en-Provence, mercredi prochain, vous verrez que le vin de messe est bien agréable, et que la prière consiste à parler culture et à bien rire. Ensemble.
Il en est de même pour Aquò d’Aquí, bien trop confidentiel. Bien sûr, avec nos amis bénévoles – Andrieu Abbe, Gérard Phavorin, Géli Fossat, Reinat Toscano, Sarà Laurens, Claire Gago-Chidaine, Alain Barthélemy, Médéric Gasquet-Cyrus, Jan-Mari Ramier et quelques autres qui voudront bien pardonner cet alzheimer précoce, nous cherchons au contraire à populariser au mieux notre langue d’oc. Nous allons même jusqu’à utiliser le français pour ce faire !
Mais nous sommes conscients de la fragilité de l’œuvre. C’est aussi un peu de lierre, en quelque sorte, qui tient debout notre édifice. Avec lui cependant, nous portons la mémoire, et l’avenir possible, de quelque chose qui nous dépasse tous.
L’originalité de la pensée, de la manière de vivre et des codes de la relation sociale, l’ouverture à l’autre de celui qui est trop nié, quelques joyaux mentaux du trésor de l’humanité, voici ce que nous protégeons, et tentons de transmettre.
Ah ! Les cars de touristes auraient vite fait de détruire le sanctuaire pré-cité. Bien vite quelques lotissements et une voie express l’encercleraient. L’uniformisation des modes de pensée, le laminage de l’individu pour obtenir le consommateur, auraient, eux, vite fait de détruire notre occitan. Une télévision qui pourchasse les accents, et une Constitution qui étouffe nos langues minoritaires, jouent très bien le même rôle.
Il en est donc ainsi de ces deux trésors dont le maintien réclame des actions radicalement différentes : ici le secret, là l'ouverture.
Il nous faut donc impérieusement dévoiler nos secrets, lever le voile, ouvrir les portes du temple. Tant pis pour les moqueries, les critiques, les tentatives d’étouffer ; elles ne manqueront pas bien sûr. Mais pour que notre part d’humanité passe à nouveau une génération, avec ses codes culturels, nous devons parler et communiquer en langue régionale, en public, et dans toutes les circonstances. Donner l’habitude, revenir à la normalité est une œuvre indispensable.
Je vous souhaite, en 2018, de savoir vous organiser pour cela, et de briser la coquille. Aquò d’Aquí vous y aidera comme il le fait déjà : en partageant les expériences, en étrillant aussi les esprits étroits de l’uniformisation des pensées et des langages. C’est qu’il faut convaincre quelques dragons, très puissants, d’aller se noyer ! Ce n’est pas rien.
Sachez simplement que, pour que votre journal puisse vous y aider, il faudra aussi l’aider. N’hésitez pas à vous abonner, c’est la condition de notre passage de témoin à la génération d’après. Actuellement le compte n’y est pas, cent à deux cents abonnés nous manquent pour réellement tenir notre rôle.
Notre saint ermite du 5è siècle restera tout aussi protégé, par le secret bien gardé d’une communauté informelle. Notre langue d’Oc, elle, devra s’exposer au contraire. Car parfois, pour vivre, il faut non pas se cacher, mais au contraire, partager.
Seul le lierre y tient un vestige de tour, de nos jours. Une niche dans la paroi rocheuse abritait les cendres du saint. Au-dessus, en signe de dévotion, des anonymes déposent encore des statuettes de mie de pain, ou quelques branchettes tressées. Je ne peux laisser passer une année sans m’y rendre, et y demeurer en silence respectueux.
J’estime que nous sommes environ quatre mille à cinq mille à connaître ces lieux, et à ne jamais révéler publiquement où ils se trouvent. Je n’y emmène que des personnes de confiance. Moi qui voue ma vie au partage le plus large des connaissances que j’acquiers au jour le jour, je refuse de dévoiler à tous mon modeste Acropole.
Notre langue occitane, notre provençal, notre niçois ou notre alpin d’oc, nous le cachons aussi, généralement. A force de ne pouvoir l’employer dans la rue, de rencontrer méfiance ou hostilité, nous l’intégrons comme une partie sacrée de nous-mêmes. Notre temple ne connait ni pierre ni tuiles, il est entièrement immatériel.
Nous nous réunissons donc entre adeptes. Ah ! la cérémonie n’est pas triste. Si vous passez par notre « Café provençal », à Aix-en-Provence, mercredi prochain, vous verrez que le vin de messe est bien agréable, et que la prière consiste à parler culture et à bien rire. Ensemble.
Il en est de même pour Aquò d’Aquí, bien trop confidentiel. Bien sûr, avec nos amis bénévoles – Andrieu Abbe, Gérard Phavorin, Géli Fossat, Reinat Toscano, Sarà Laurens, Claire Gago-Chidaine, Alain Barthélemy, Médéric Gasquet-Cyrus, Jan-Mari Ramier et quelques autres qui voudront bien pardonner cet alzheimer précoce, nous cherchons au contraire à populariser au mieux notre langue d’oc. Nous allons même jusqu’à utiliser le français pour ce faire !
Mais nous sommes conscients de la fragilité de l’œuvre. C’est aussi un peu de lierre, en quelque sorte, qui tient debout notre édifice. Avec lui cependant, nous portons la mémoire, et l’avenir possible, de quelque chose qui nous dépasse tous.
L’originalité de la pensée, de la manière de vivre et des codes de la relation sociale, l’ouverture à l’autre de celui qui est trop nié, quelques joyaux mentaux du trésor de l’humanité, voici ce que nous protégeons, et tentons de transmettre.
Ah ! Les cars de touristes auraient vite fait de détruire le sanctuaire pré-cité. Bien vite quelques lotissements et une voie express l’encercleraient. L’uniformisation des modes de pensée, le laminage de l’individu pour obtenir le consommateur, auraient, eux, vite fait de détruire notre occitan. Une télévision qui pourchasse les accents, et une Constitution qui étouffe nos langues minoritaires, jouent très bien le même rôle.
Il en est donc ainsi de ces deux trésors dont le maintien réclame des actions radicalement différentes : ici le secret, là l'ouverture.
Il nous faut donc impérieusement dévoiler nos secrets, lever le voile, ouvrir les portes du temple. Tant pis pour les moqueries, les critiques, les tentatives d’étouffer ; elles ne manqueront pas bien sûr. Mais pour que notre part d’humanité passe à nouveau une génération, avec ses codes culturels, nous devons parler et communiquer en langue régionale, en public, et dans toutes les circonstances. Donner l’habitude, revenir à la normalité est une œuvre indispensable.
Je vous souhaite, en 2018, de savoir vous organiser pour cela, et de briser la coquille. Aquò d’Aquí vous y aidera comme il le fait déjà : en partageant les expériences, en étrillant aussi les esprits étroits de l’uniformisation des pensées et des langages. C’est qu’il faut convaincre quelques dragons, très puissants, d’aller se noyer ! Ce n’est pas rien.
Sachez simplement que, pour que votre journal puisse vous y aider, il faudra aussi l’aider. N’hésitez pas à vous abonner, c’est la condition de notre passage de témoin à la génération d’après. Actuellement le compte n’y est pas, cent à deux cents abonnés nous manquent pour réellement tenir notre rôle.
Notre saint ermite du 5è siècle restera tout aussi protégé, par le secret bien gardé d’une communauté informelle. Notre langue d’Oc, elle, devra s’exposer au contraire. Car parfois, pour vivre, il faut non pas se cacher, mais au contraire, partager.
Ex-voto à l'ermitage, Haute-Provence (photo MN)