Le soleil, la mer, la montagne, les aides...la Provence attire les cinéastes. Ceux qui veulent dépenser moins vont tourner en Pologne, et ceux qui veulent des paysages de qualité plantent leur caméra entre Drôme et Nice.
La Provence plaît sur l'écran, le Provençal lui est mis hors champ
Une fois la TV allumée nous ne sommes donc pas dépaysés. Une application pour smartphone recense même 52 lieux de tournage en Provence Alpes Côte d’Azur en 2012.
On déroule le tapis rouge à certaines productions. Pour toutes sortes de raisons. Le Conseil Régional a même réussi à ouvrir une ligne budgétaire pour aider spécifiquement les tournages « verts ». Pensez-y et, pendant le tournage, prenez votre café de préférence dans un gobelet recyclable lors des pauses ! Il y a un million d’€uros en 2012 pour les écologiquements corrects du 7è art en Provence.
Les paysages que l’on voit derrière les premiers rôles ont de la gueule, c’est certain.
Mais d’où vient que les rôles en question, leurs adjuvants et jusqu’au dernier des figurants qui traversent la rue à l’écran ne parlent jamais comme on parle ici ?
Si les paysages provençaux ont la côte, l’accent provençal, lui, fait toujours mauvais genre. Décidément invendable, il ferait fuir les spectateurs. Du moins les couples réalisateur-producteur doivent le penser. Même une série qui s’affiche marseillaise comme « Plus belle la vie » ne garde qu’un seul et heureusement indéboulonnable autochtone vocalement affiché.
On veut bien de la Provence, mais pas des Provençaux, en tout cas pas s’ils s’affirment comme tels par d’insortables signes, comme leur façon de parler.
De fil en aiguille mes pensées m’entraînent vers Marcel Pagnol, que j’ai beaucoup critiqué. Il était pour moi la quintessence du colonialisme intérieur intégré par le colonisé, renvoyant aux Français l’image qu’ils pouvaient accepter du Provençal typique. Ah ! la partie de carte…
Et pourtant, quoiqu’on en dise, l’homme avait créé un système dont le centre de gravité était Marseille. Les studios, les métiers, et les acteurs étaient et vivaient chez nous. Il convainquit Orane Demazis d’attraper l’accent du midi. Née à Oran et venue de Paris, ça n’était pas évident pour elle. Cependant elle est devenue pour nous un personnage légendaire parce que, pour devenir une grande actrice, elle n’a pas eu peur de salir ses cordes vocales avec le parler des croquants du Vieux Port.
En parlant d’acteur légendaire, qui n’aime pas Jean-Louis Trintignant ? Il a couvert mes années les plus cinéphiles de son air de doute avec l’intelligence de se mettre au service des meilleurs réalisateurs, de ceux qui avaient quelque chose à dire sur leur temps. A l’écouter je n’aurais pas deviné le Vauclusien. Et puis en 1984, chez le dentiste mes yeux sont tombés sur son interview, donnée à Témoignage Chrétien. « J’ai dû, pour jouer, faire ce qu’on exigeait de moi à Paris, perdre mon accent » regrettait-il.
Je dis que c’était une violence qu’on lui a faite, comme à beaucoup d’autres, plus anonymes, dont on a exigé qu’ils ne soient pas eux-mêmes, pour qu’ils soient quelqu’un.
Ce qui est étrange, c’est que les sociétés qui doublaient en français les comédies italiennes des années 1960-70, donnaient aux acteurs un accent vaguement italianisant qui pouvait s’apparenter au notre.
Cela ne leur posait aucun problème qu’Ugo Tognazzi ou Vittorio Gasman puissent parler comme à Nice ou Marseille. Mais quand un film était tourné à Nice ou Marseille, le même accent y était interdit de bande son.
Quand je zappe pour ne pas voir plus de trente secondes « Plus belle la vie », je pense un peu à tout ça, et me dis que rien ne change vraiment. On peut aimer la permanence des choses, bien sûr ; mais il y a des traditions que, moi, j’aimerais voir disparaître, comme la lapidation des blasphémateurs, ou la norme non écrite qui interdit d’affirmer sa provençalité en parlant au cinéma et à la télévision.
Il y a tout de même des raisons d'espérer. Voyez les films de Christian Philibert (Les quatre saisons d'Espigoule). Certes il est obligé de faire entendre sa petite voix (avec accent assumé, celle-ci!) par ses propres moyens. Pas de major pour le distribuer, lui... Mais il nous offre un regard sur la façon dont nous somes vus.
Si vous avez un moment mardi prochain, en soirée, essayez d'aller voir son enquête, bien documentée, aussi sobre qu'alerte. Elle est projetée avec débat lors d'une journée sur le développement durable des territoires de Provence Alpes Cote d'Azur, à l'Hôtel de Région à Marseille. le film s'appelle : "Le complexe du santon". Tout un programme.
On déroule le tapis rouge à certaines productions. Pour toutes sortes de raisons. Le Conseil Régional a même réussi à ouvrir une ligne budgétaire pour aider spécifiquement les tournages « verts ». Pensez-y et, pendant le tournage, prenez votre café de préférence dans un gobelet recyclable lors des pauses ! Il y a un million d’€uros en 2012 pour les écologiquements corrects du 7è art en Provence.
Les paysages que l’on voit derrière les premiers rôles ont de la gueule, c’est certain.
Mais d’où vient que les rôles en question, leurs adjuvants et jusqu’au dernier des figurants qui traversent la rue à l’écran ne parlent jamais comme on parle ici ?
Si les paysages provençaux ont la côte, l’accent provençal, lui, fait toujours mauvais genre. Décidément invendable, il ferait fuir les spectateurs. Du moins les couples réalisateur-producteur doivent le penser. Même une série qui s’affiche marseillaise comme « Plus belle la vie » ne garde qu’un seul et heureusement indéboulonnable autochtone vocalement affiché.
On veut bien de la Provence, mais pas des Provençaux, en tout cas pas s’ils s’affirment comme tels par d’insortables signes, comme leur façon de parler.
De fil en aiguille mes pensées m’entraînent vers Marcel Pagnol, que j’ai beaucoup critiqué. Il était pour moi la quintessence du colonialisme intérieur intégré par le colonisé, renvoyant aux Français l’image qu’ils pouvaient accepter du Provençal typique. Ah ! la partie de carte…
Et pourtant, quoiqu’on en dise, l’homme avait créé un système dont le centre de gravité était Marseille. Les studios, les métiers, et les acteurs étaient et vivaient chez nous. Il convainquit Orane Demazis d’attraper l’accent du midi. Née à Oran et venue de Paris, ça n’était pas évident pour elle. Cependant elle est devenue pour nous un personnage légendaire parce que, pour devenir une grande actrice, elle n’a pas eu peur de salir ses cordes vocales avec le parler des croquants du Vieux Port.
En parlant d’acteur légendaire, qui n’aime pas Jean-Louis Trintignant ? Il a couvert mes années les plus cinéphiles de son air de doute avec l’intelligence de se mettre au service des meilleurs réalisateurs, de ceux qui avaient quelque chose à dire sur leur temps. A l’écouter je n’aurais pas deviné le Vauclusien. Et puis en 1984, chez le dentiste mes yeux sont tombés sur son interview, donnée à Témoignage Chrétien. « J’ai dû, pour jouer, faire ce qu’on exigeait de moi à Paris, perdre mon accent » regrettait-il.
Je dis que c’était une violence qu’on lui a faite, comme à beaucoup d’autres, plus anonymes, dont on a exigé qu’ils ne soient pas eux-mêmes, pour qu’ils soient quelqu’un.
Ce qui est étrange, c’est que les sociétés qui doublaient en français les comédies italiennes des années 1960-70, donnaient aux acteurs un accent vaguement italianisant qui pouvait s’apparenter au notre.
Cela ne leur posait aucun problème qu’Ugo Tognazzi ou Vittorio Gasman puissent parler comme à Nice ou Marseille. Mais quand un film était tourné à Nice ou Marseille, le même accent y était interdit de bande son.
Quand je zappe pour ne pas voir plus de trente secondes « Plus belle la vie », je pense un peu à tout ça, et me dis que rien ne change vraiment. On peut aimer la permanence des choses, bien sûr ; mais il y a des traditions que, moi, j’aimerais voir disparaître, comme la lapidation des blasphémateurs, ou la norme non écrite qui interdit d’affirmer sa provençalité en parlant au cinéma et à la télévision.
Il y a tout de même des raisons d'espérer. Voyez les films de Christian Philibert (Les quatre saisons d'Espigoule). Certes il est obligé de faire entendre sa petite voix (avec accent assumé, celle-ci!) par ses propres moyens. Pas de major pour le distribuer, lui... Mais il nous offre un regard sur la façon dont nous somes vus.
Si vous avez un moment mardi prochain, en soirée, essayez d'aller voir son enquête, bien documentée, aussi sobre qu'alerte. Elle est projetée avec débat lors d'une journée sur le développement durable des territoires de Provence Alpes Cote d'Azur, à l'Hôtel de Région à Marseille. le film s'appelle : "Le complexe du santon". Tout un programme.