Reinat peut enfin sortir du jardin. “Il y a eu plus dur! m’occuper de mes plantes n’était pas précisément une torture...Le télétravail c’est autre chose”.
On ne sent pas volontaire pour l’exercice le professeur d’italien du centre Var. “Je corrige, je réponds aux questions...reçues parfois de nuit. Il semble que l’internet fonctionne particulièrement mal de jour, et précisément dans notre zone”. Derrière l’ironie tranquille il y a les questionnements de tout enseignant actuellemennt : au fond quelle est ma marge de manœuvre, que veut-on de moi ? Lui s’est avisé qu’à distance, enseigner posait quelques problèmes : “mes préparations ne servent plus à rien et comment puis-je remplacer les corrections au tableau par des mails ?”
Mais le correcteur et contributeur d’Aquò d’Aquí tend aussi une oreille tendue vers l’Italie, où il garde de la famille. “Un cousin est médecin vers Milan, aussi je suis au courant de la situation en Italie, et cela nourrit ma réflexion étonnée : ce que je fais, être attentif, m’informer, le gouvernement français semble ne pas le faire...C’est inquiétant, en particulier de voir comment nous sommes dirigés”.
L’homme doute, autant des pistes que suivent son métier que de la confiance que l’on peut raisonnablement accorder aux autorités de son pays. Et encore il n'évoque pas le long chemin semé de désillusions du professeur d'occitan, autrement dit rien, pour l'administration scolaire, qui l'a dépouillé de ses cours ...Ses certitudes sont ailleurs, dans sa manière d’écrire. Dans ses recherches et ses narrations.
Un nouveau Matieu Sampeyre et un poème en chantier
Reinat Toscano a une trentaine d’ouvrages au catalogue d’Auba Novèla, qu’il a créé voici plus de vingt ans. Car, bien avant que des sites internet spécialisés ne le proposent, il avait choisi l’auto-édition. Il décide de tout, depuis la norme graphique jusqu’aux lieux où il placera ses ouvrages, de nature aussi diverses que les manières de préparer les blettes qu’il affectionne, comme tout Niçois qui se respecte.
Ah! le niçois il le pratique, ça on peut dire...quand vous en lisez un article dans Aquò d’Aquí, il y a de fortes chances qu’il s’en soit occupé. Et dans son abondante production, un certain Matieu Sampeyre, policier gourmet, ne parle pas autrement. “Décidément je ne me débarrasserai pas de ce personnage. Déjà dans un roman son identité avait été dérobée, et dans mon prochain un délinquant tente quelque chose d’approchant”. Mais chut! Pour en savoir plus, guettez du coin de l’oeil le journal Aquò d’Aquí...qui vous avertira des suites littéraires, sinon judiciaires.
Il n’est pas rare que Reinat ait deux ou trois projets en cours, et en parrallèle au policier niçois, c’est un poème de longue haleine qu’il pense publier en septembre, Fin de jornada en riba de mar…Mais pourra t’on seulement l’acheter au festival du livre de Mouans Sartoux ? “Je ne sais pas encore s’il aura lieu, je l’espère, nous verrons”. Chaque année, Reinat a son stand au sein de la manifestation phare de la littérature; un défi puisqu’elle est organisée loin des salons parisiens, et que l’édition occitane y a droit de cité comme dans aucune autre manifestation d’importance.
En attendant, l’auteur, qui ne saurait dire comment il est venu à l’écriture - “c’est arrivé comme ça, et pourquoi dans une langue plutôt qu’une autre...peut-être simplement parce que je parlais niçois...” déconfine comme nous tous, retrouvera bientôt son lycée, ouvert à toute force par un ministre hors des réalités éducatives comme sanitaires. Espérons qu’il n’y lise pas l’injonction de Dante, un auteur que l’italianiste pratique au point d’avoir tenté d’écrire dans ses pas : “vous qui entrez ici, perdez toute espérance”.