Comment se porte l’enseignement de l’occitan après deux ans de réforme des lycées ?
Mal, mais la situation des lycées de manière générale n’est pas bonne. La réforme a introduit la concurrence entre les disciplines, et donc les collègues. Elle a détruit le collectif que constituaient les classes, elle a déstructuré les emplois du temps, et l’enseignement des langues régionales forcément va mal. Les effectifs fondent et avec eux le vivier d’étudiants et de futurs enseignants. Cela dit, l’insistance sur les difficultés peut avoir des effets pervers
Que veux-tu dire ?
Dans nos relations avec la presse ou les élus nous apparaissons parfois comme catastrophistes; Nos interlocuteurs, parents d’élèves compris, peuvent conclure à une cause perdue. Nous risquons d’aggraver le problème en cherchant à l’affronter. Or, si nous avons raison de revendiquer, nous tenons aussi à faire savoir quel réservoir d’ingéniosité pédagogique constitue le collectif des enseignants d’occitan ! Durant le confinement, les profs, déjà moteurs en matière d’interdisciplinarité, ont créé un tutoriel de ressources numériques, alimenté par les enseignants de toutes les académies. En matière de coopération, ils sont excellents, et inventifs en diable. Mais cela ne se sait pas, pas assez.
L'accès à l'enseignement de l'occitan est un droit pour tous
Les situations sont territorialement diverses*. Certaines Académies développent un enseignement bilingue, alors que certains départements sont un quasi desert en matière d’enseignement public de l’occitan. Comment la Felco se saisit-elle de la question?
La situation générale c’est que si, nous, nous disons que l’enseignement de l’occitan est nécessaire, les enfants, eux ne le savent pas. Leurs parents pas si souvent. Et l’enseignement se développe là où les militants sont nombreux. Là où ils ne le sont pas – et ils le sont d’autant moins que les départements ruraux se dépeuplent pendant que les Académies perdent des postes – c’est le désert de ce point de vue. À la Felco nous vivons ces inégalités territoriales comme insupportables. Aucune de nos réunions au ministère de l’Education ne se déroule sans que nous insistions sur cette situation, vécue par nos adhérents comme scandaleuse.
Si l’enseignement de l’occitan est un droit, alors il doit l’être pour tous. Hélas, ce droit est ignoré par la plupart de ceux qui devraient en jouir. Alors il faut que l’enseignement de l’occitan soit proposé à tous, sous des formes variées. Et pour cela le service public d’enseignement est incontournable. Si on ne se repose que sur l’enseignement associatif, les écoles ne seront ouvertes qu’au gré de la volonté de militants. Ce n’est pas de cette façon que nous assurerons l’égalité dans le droit, nous tenons fermement à une politique d’offre, pas seulement à une réponse à la demande qui ne peut émaner que de personnes déjà conscientes.
Réaffirmer un rôle central pour l'enseignement public
L’été dernier une discussion sur les statuts de la Felco a été entamée, et cette affirmation a été mise en débat. Qu’en sort-il ?
En août puis en octobre notre Conseil d’Administration s’en est saisi et nous en reparlerons à l’AG. Si nous voulons offrir aux enfants, dans le plus grand espace possible, leur langue régionale sous des formes variées, depuis la sensibilisation jusqu’au bilinguisme, nous devons nous affirmer comme représentants identifiés de l’enseignement public. Un exemple : quarante syndicalistes enseignant s, parmi lesquels des élus du personnel, ont signé l’appel à manifester du collectif Pour Que Vivent Nos Langues, le 10 octobre dernier. Nous savons que désormais nous pourrons les interpeller dans les commissions paritaires, le règlement des situations délicates, les postes menacés… Ces partenariats visent à défendre l’enseignement de l’occitan partout et ça on ne peut le faire qu’en luttant à partir de l’enseignement public.
Un autre exemple ce sont les conventions que passent les Académies avec les Régions, et qui visent – c’est aussi un combat – à donner des moyens spécifiques à l’enseignement des langues régionales. Bretons et Basques y arrivent très bien. Quatre Académies viennent d’en signer via l’Office Public de la Langue Occitane, dont très récemment Montpellier et Toulouse. Avec ces conventions impliquant l’Etat, les professeurs en difficulté dans leurs établissements ont des arguments de poids.
La Felco souhaite que de telles conventions soient signées sur l’ensemble du territoire pour aller vers l’égalité évoquée ci-dessus.
Nos militants sont seuls à même d’obtenir les conditions de cette égalité : l’enseignement de l’occitan pour tous. Pour cela, nous ne pouvons nous satisfaire de réponses administratives du type : “pourquoi ne pas plutôt favoriser une école associative ?”
Les discussions sur les changements de statuts ont duré 6 mois, dont deux réunions du CA. Certains suggéraient que tout enseignant d'occitan, qu'il intervienne dans une association d'adultes, dans le cadre d'une activité municipale ou dans toute autre instance ou associations puisse adhérer à la Felco. Il fallait donc clarifier. Comment tenir un message clair au ministre de l'Education nationale si nous devons considérer toutes les formes d'enseignement de l'occitan ? Seuls les collègues du privé confessionnel connaissent le même cadre administratif que les enseignants du public, ils ont donc leur place au sein de la Felco comme ils l'ont toujours eue depuis que la Felco existe.
Le Conseil d'Administration accueillera plus de membres
Les statuts évoluent donc à l’AG de Nice. Résumons : les associations régionales adhérentes doublent le nombre de leurs représentants, et le CA passe de 24 à 32 membres. Pourquoi ?
Les adhérents doivent encore adopter ces statuts. S’ils le font, les associations académiques des régions où le militantisme peine seront mieux représentées.
Il en résultera d’ailleurs peut-être un renouveau militant. En augmentant le nombre de représentants nous tenons compte du fait qu’il y a certains moments où l’un ou l’autre souhaite faire une pause, s’investir ailleurs. Disons-le, certains sont très mobilisés, au point parfois de sacrifier leurs propres travaux. Par ailleurs nous aimerions voir arriver des gens dont nous savons qu’ils sont porteurs d’idées et d’initiatives...et ils sont bien plus que 24 !
** L'entretien a été revu par l'interviewée avant publication