
Ainsi de ce lotissement varois, que son promoteur nomma « la loube », après être passé par la « laouve », alors que les gens du coin disaient « la lausa ». De la simple pierre plate à une louve fantasmée, il avait trouvé ça plus vendeur ! (anecdote rapportée par Reinat Toscano dans notre numéro 253).
Que dire des dépliants d’offices du tourisme qui nous proposent une "Sainte-Victoire" (en fait le génocide des Teutons durant l’Antiquité), là où tous nos anciens voyaient "Venturi", la hauteur ventée?
Gérard Tautil, avec sa Toponymie de Signes, ne cache pas les chausses trappes du genre. On voudrait voir de l’occitan là où le celto-ligure dit le pays, là où un patronyme d’il y a vingt siècle ne nous informe au fond que du nom du propriétaire d’alors…
Mais à travers un ouvrage documenté, rédigé et même beau, l’auteur nous rappelle, à travers l’histoire locale des noms de lieux, que la toponymie n’est pas « un débat technique, mais bien politique, dans lequel la diglossie met à mal la mémoire même des gens qui vivent dans le pays ».
Effacer l'occitan du territoire
Ce travail d’acculturation est, en France, largement impulsé par l’Etat, depuis longtemps. En confiant le soin de dresser les cartes de la France du XVIIè siècle à la famille Cassini, sous forme de charge héréditaire, les Rois ont tacitement demandé à cette ligné de géographes italiens de leur complaire. Ils s’y emploieront en renommant les lieux provençaux, en les patoisant, voire en les dénaturant.
Et leur œuvre d’embrouillement va perdurer, leurs erreurs seront largement reprises, de carte en carte, par l’IGN. « Je le vis comme quelque chose de dramatique, et pour rétablir la réalité historique de ces noms d’endroits, une enquête de terrain était absolument nécessaire » soutient Gérard Tautil, « afin de lire un espace jamais neutre ou indifférencié ».
Trois ans d'enquêtes de terrains pour toute une équipe
En s’attachant, avec ses correspondants, à faire ré-émerger ces toponymes dont ne rendent pas compte les cartes, Gérard Tautil a voulu « inviter le public à saisir une expression sociale de la culture régionale, qui s’exprime dans sa langue historique, et s’inscrit dans sa vie quotidienne ».
Tous ceux qui longent le ruisseau de Sainte-Baume, ou se rendent au Pourraque, contemplent le paysage depuis le Planier, ou enfin descendent le Collet de Bastian, profiteront de ces connaissances.
Tous les autres, ceux qui vivent plus loin, pourront se rendre compte que, plus ou moins, chez eux on retrouve une bonne part de ces mêmes noms. Ils disent leur histoire, écrite dès avant la conquête romaine, et qui continue de se déployer aujourd’hui.
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